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Un dossier administratif qui conforte la pratique bureaucratique

par Ghania Oukazi

Le ministère de la Communication demande aux journalistes professionnels de prouver leur identité en tant que tels en fournissant un dossier administratif qui conforte la pratique bureaucratique par excellence.

Le ministère de la Communication se dit depuis dimanche prêt à recevoir les dossiers en question pour qu'il octroie aux journalistes la carte nationale de presse. Première absurdité dans cette démarche tant attendue par la profession, le ministère de la Communication va délivrer aux journalistes une carte provisoire. Voilà qui prouve que dans toute démarche institutionnelle, personne n'est jamais sûr de rien. Dans le cas des responsables, ou ils ne font pas confiance aux membres de la commission qu'ils ont installée depuis quelques temps à cet effet parce qu'ils pensent qu'ils vont faire dans le copinage, le clientélisme ou le régionalisme ou alors les trois à la fois, et attribueront «le titre» de journaliste professionnel à leurs amis, ou bien ils attendent que l'installation de l'autorité de régulation soit décrétée pour qu'elle appose son cachet sur la carte et lui donne ainsi caractère officiel. D'ailleurs, cette dernière idée n'est pas une supposition puisque dans le communiqué, le ministère annonce l'installation prochaine d'une autre commission pour établir la carte «officielle». Commission, celle-là permanente et sera affiliée à l'autorité de régulation à venir. Evidemment, cela se fera d'ici jusqu'à ce que la commission «technique» ait terminé sa tâche d'identification des journalistes professionnels.

On s'en tient donc à cette affirmation dans le communiqué pour en conclure aisément que le ministère de la Communication fait dans la perte de temps, des énergies et de l'argent. Ceci, juste pour établir une carte qui aurait dû l'être depuis très longtemps sans passer par ces faire-semblants qui s'apparentent à des subterfuges pour gagner (ou perdre) du temps et conforter la bureaucratie dans tout son éclat. L'on se demande ainsi pourquoi établir une carte provisoire et la jeter après pour une autre «officielle». Pourtant, le plus urgent et de lister les journalistes qui y ont droit et attendre que la commission permanente soit installée pour que les cartes soient «une seule fois pour toutes» imprimées et signées.

QUAND SELLAL N'EST PAS ECOUTE PAR SES PROPRES MINISTRES

Autre absurdité confortant la bureaucratie, celle-ci bien avérée, la composition du dossier que doit fournir le journaliste pour prétendre à cette fameuse carte nationale de presse. Le ministère lui exige une demande manuscrite, deux photos, un extrait de naissance n° 12, une attestation ou certificat de résidence et une attestation de travail. Les nombreux discours du 1er ministre dénonçant la bureaucratie ne semblent pas avoir été entendus pour les premiers concernés, à savoir ses ministres et les cadres des institutions qu'ils dirigent. Abdelmalek Sellal n'a eu de cesse de dénoncer l'inutilité de «cette brouette» pleine de documents administratifs qu'exige l'administration publique ou privée pour une quelconque prestation au profit du citoyen. La presse dans tous ses «états» s'est d'ailleurs fait l'écho de toutes les instructions que Sellal a données aux autorités publiques pour alléger le plus possible cette charge bureaucratique. Aujourd'hui, c'est le ministère de la Communication qui demande à ses «sectateurs» de subir ce qu'ils dénonçaient par leur plume, par leur voix et par leur image. Le ministère doit savoir que dans une attestation de travail, il y a le nom de l'employé, de l'employeur, le titre, la profession, la date et lieu de naissance, l'adresse et même l'identifiant fiscal de la direction. Quid alors de la nécessité d'une attestation ou d'un certificat de résidence en ces temps de lutte contre la bureaucratie et de rentrée sociale où les guichets des administrations publiques sont pris d'assaut.

LES ENQUETES D'HABILITATION, VERSION MINISTERE DE LA COMMUNICATION

Mieux, l'on se demande, comme l'a fait un journaliste, pourquoi le ministère veut-il connaître l'adresse des journalistes et à quelles fins. Il doit d'ailleurs savoir que tous ceux qui pointent dans un journal ou un média quelconque, sont fichés par les services de renseignement avec tous les détails qu'il faut. Jusqu'aux années 90, toute personne qui postulait à un emploi de journaliste, devait attendre, comme tous les cadres de la nation, la fin de l'enquête d'habilitation menée par ces mêmes services. Ces derniers interrogeaient jusqu'à ses parents et se renseignaient même sur l'existence d'éventuels harkis dans sa famille. Il semble que ces pratiques dignes de la Gestapo sont révolues. L'on nous dit même d'ailleurs que les cadres n'ont plus besoin de faire l'objet de telles enquêtes pour prétendre à un poste dans la haute administration publique. La décision du président de la République de «restructurer» les services de renseignement a vraisemblablement changé la donne. Le ministère de la Communication ne semble pas être au courant des évolutions de ces processus de «changements».

Un extrait de naissance n'est pas non plus nécessaire puisque dans l'attestation de travail il y a la date et le lieu de naissance. Sinon, l'on pourrait penser que le ministère cherche à «situer» les journalistes par «leur région» de naissance. Son communiqué exige un identifiant fiscal aux free-lances (journalistes indépendants). Pourtant, il est connu que beaucoup de free-lances sont payés au cachet et ne sont pas déclarés. Ceux-là ne cotisent ni pour la retraite ni pour la sécurité sociale (maladie). Autre remarque, il existe des journalistes qui travaillent quotidiennement dans un même journal mais ne sont pas déclarés. Hamid Grine doit certainement savoir tout ça pour avoir été lui-même journaliste.

L'on se demande en dernier, pourquoi pas, si le dépôt des dossiers se fait durant les jours ouvrables et à des horaires administratifs ou tous les jours et aux heures de travail de la profession.