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BOUMERDES: L'enlèvement des déchets ménagers, un casse-tête

par O. M.



Odeurs pestilentielles, fumées toxiques ressenties à des kilomètres, débordements des ordures sur la voie publique, sont autant d'«ingrédients» qui font que toutes les décharges publiques sont, aujourd'hui, contestées par la population. Que ce soit à Thenia, Bordj Menaiel, Zaatra ou ailleurs, c'est le rejet total observé. Même le centre d'enfouissement technique (CET) de Corso n'est pas épargné.

Les ordures ménagères s'entassent, de nouveau, sur la voie publique, dans l'ensemble des communes de Boumerdès, pour réduire, encore plus, le peu d'espaces qui restent inoccupés par le commerce informel et l'étalage anarchique de marchandises. Déjà, à la veille de la rentrée sociale, mais surtout scolaire, tabliers et fournitures scolaires asiatiques, proposées à la vente, vous agressent. Revenus de vacances, piétons et automobilistes se disputent le reste de l'espace étroit de la voie publique. Les villes étouffent et ne désengorgent, pratiquement pas et ce, tous des jours. Aucun espace n'est épargné et certains commerçants s'octroient l'espace public en y plaçant caisses et autres objets hétéroclites pour se prémunir, avancent-ils, des vendeurs à la sauvette (?).

Le problème devient plus épineux, en absence de décharges publiques conformes, pour recevoir les tonnes d'ordures générées par une population qui avoisine le million d'âmes, et devant les oppositions des riverains quant à l'exploitation en décharge, de site improvisé, sur les hauteurs de la RN5, à Thenia ou Bordj Ménaiel. Le feuilleton des contestations ne se limite pas à une seule commune, mais prend de l'ampleur, après le malheureux incident de Réghaïa, déclenché pour s'opposer à l'installation d'un CET, qui s?est traduit en actes de vandalisme, en plus du préjudice causé à la société ferroviaire suite à l'arrachage d'une vingtaine de caténaires et un manque à gagner estimé à plus de 20 milliards et où toute la population se trouve pénalisée après les arrêts du trafic, entre la capitale et Thenia et l'arrestation de plusieurs casseurs. Ce sont les habitants de Corso qui reviennent à la charge pour empêcher l'accès au nouveau CET, réclamant sa fermeture, à la centaine de camions, provoquant un embouteillage monstre sur la RN5. « Nous militons pour la fermeture du centre, créé non loin de nos habitations», s'indigne un habitant de la localité, en précisant que des dizaines de tonnes de déchets s'y déversent, quotidiennement, en provenance de plusieurs communes limitrophes et même d'Alger. Les contestataires affirment que les odeurs pénètrent à l'intérieur, même, des maisons, causant, à plusieurs personnes, des ennuis de santé, liés à cette intenable pollution. Et d'ajouter qu'à partir de 19 h, les odeurs se répandent à des kilomètres à la ronde. Cette situation a aidé certains, par manque de civisme ou de culture de l'environnement, à déverser, loin du contrôle, leurs ordures, profitant, ainsi, du moindre recoin. Sans compter les tonnes de gravats qui jonchent les bas-côtés des chemins de wilaya, entre Legatta et Cap Djinet, ou encore sur les hauteurs de Boudouaou, ou entre Les Issers et Chabet El Ameur. Certains individus profitent du manque de vigilance des services de contrôle ou encore de la passivité du citoyen, pour dégrader, davantage et sans scrupules, cette nature, moyennant 1.000 à 2.000 DA pour chaque chargement déversé. Concernant les collectivités locales, il en ressort que les moyens matériels existent, car chaque année, elles profitent de nouvelles dotations, mais la mauvaise gestion des parcs a eu raison de ce matériel. Ce sont des milliards, en matériel roulant, qui partent en épave dans les parcs communaux. Certains engins, selon un chef de parc, sont à l'arrêt pour une courroie ou un roulement. «Le maire ne se soucie que de son véhicule de service», ajoute-t-il. L'exemple d'une commune dont le retro-chargeur est à l'arrêt pour un problème de pneus, qui va en louer un, chez un privé, à raison de 12.000 DA par jour, pour enterrer les carcasses de bovins touchés par la fièvre aphteuse, soit l'équivalent des dépenses de 2 jours pour l'achat d'un pneumatique !

Pour venir en aide aux jeunes et aux collectivités, l'Etat a initié différents programmes, ces dernières années, et l'apport de jeunes à travers le programme «Blanche Algérie» a été significatif. Boumerdès a bénéficié d'un financement de plus de 1 milliard de DA, avec la création de 400 projets (ministère de la Solidarité) ou encore le dispositif TUPHIMO avec 163 projets, qui s'est vu consacré 300 millions de DA, a permis de réduire cette désolante et inquiétante situation. Mais comme le dispositif ne dure que 3 mois, au plus, et que les maires orientent ces derniers vers les édifices publics, l'impact sur la situation reste minime, et ce ne sont pas les opérations de désherbage entreprises sur la RN5 qui vont changer le décor.

Le projet d'un centre d'enfouissement technique (CET), programmé depuis une quinzaine d'années, à Zaatra (15 km de Boumerdès) qui sera jumelé à une zone d'activité de plus de 1.000 ha, reste à l'état de projet, car lui aussi, fait l'objet d'opposition de citoyens. Et paradoxalement, les hectares de terres agricoles donnés en exploitation pour la création de vergers se sont transformés, depuis 2 ans, en une grande carrière de tuf, provoquant des désagréments quotidiens aux riverains et dénaturant le paysage. Pour cela, personne ne souffle mot. Malgré les garanties des services de l'Environnement et de l'Administration de réduire l'impact de toutes ces nuisances, la protestation demeure. «Nous avons choisi un autre site qui a eu l'avis favorable des différents services techniques, mais les opposants sont, hélas, toujours là», regrettent les initiateurs de ce qui devait être le premier CET de la wilaya, estimant que l'opposition est infondée. «On s'oppose pour s'opposer», et la situation se dégrade, de jour en jour, mettant en péril une nature déjà fragile. Et ce n'est pas le renouvellement fréquent des bacs à ordures qui résoudra l'épineux problème des ordures.

La direction de l'Environnement, les collectivités locales et les associations doivent agir, en initiant des opérations rapides et efficaces, pour mettre un terme à la dégradation du milieu, avant que cela ne soit trop tard.