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Union européenne - Irak : la quadrature du cercle

par M'hammedi Bouzina Med : Bruxelles

Faute d'unanimité, les 28 pays de l'UE ont laissé le libre choix à chaque pays membre de décider ou non d'une aide militaire aux kurdes irakiens qui affrontent les djihadistes de l'Etat islamique (EIIL).

Réunis en urgence vendredi à Bruxelles les 28 ministres des affaires étrangères des pays de l'Union européenne (UE) ont abouti à un accord de principe pour apporter une aide en matériels militaires aux troupes kurdes qui affrontent les groupes terroristes de l'Etat islamique ( EIIL) autoproclamé dans le nord-est irakien. Il s'agit bien d'un accord de principe car l'aide sera apportée sous certaines conditions qui restent, au demeurant, difficiles à respecter. En effet, certains pays de l'UE, notamment ceux du Nord tels la Suède, la Finlande, l'Irlande ou l'Autriche se sont abstenus de livrer des armes aux combattant kurdes, évoquant le risque de rendre la situation plus incontrôlable si les armes livrées finissent entre les mains d'autres groupes terroristes, de séparatistes ou tout autre groupe subversif dans la région du Kurdistan irakien ou dans les pays frontaliers (Syrie, Turquie). D'autres pays comme la France, l'Italie et la Grande- Bretagne se sont engagés à livrer rapidement un armement « adapté » à la situation, soit des armes de défense et d'assaut individuelles et des munitions. Exit donc l'artillerie lourde ou mécanisée (chars et blindés). D'autres pays encore, comme la Belgique, ont promis un appui logistique : assurer le transport des armes fournies. Vendredi en fin de journée, les 28 membres de l'UE ont donc coupé « la poire en deux » : accord de principe et libre choix à chaque pays d'apporter l'aide armée qu'il souhaite. En revanche, l'unanimité a été acquise pour l'aide humanitaire en direction des populations yézidie et chrétienne réfugiées dans les montagnes et zones contrôlées par les kurdes. « Certains pays ont répondu favorablement à la demande des forces des sécurité kurdes », a déclaré le ministre des AE allemand au sortir de la réunion, laissant entendre que d'autres pays n'y sont pas favorables. La complexité de la situation dans le nord irakien, et dans tout l'Irak, a pesé sur une vraie action militaire commune européenne. Certains observateurs à Bruxelles estiment que l'engagement militaire en Irak relève de la seule responsabilité des USA qui ont l'exclusivité de la production pétrolière sous le contrôle aujourd'hui, en partie, par les groupes djihadistes de l'Etat islamique. L'Europe, selon ces observateurs, devrait se suffire d'un soutien humanitaire et logistique. Du reste, le nouveau gouvernement irakien devrait retenir l'attention de l'UE et bénéficier d'un appui politique et diplomatique, voire militaire, tant il est vrai que les territoires conquis par les djihadistes de l'EIIL sont irakiens d'abord. En alimentant en armes les combattants kurdes, certains pays européens craignent que la situation ne se dégrade, une fois la question des djihadistes de l'Etat islamique résolue. Les séparatistes kurdes de Turquie, Syrie et Irak risquent d'évaluer à la « hausse » leurs revendications d'indépendance et installer un climat de tension politique dans toute cette région. Au final, les Européens sont coincés entre leur « devoir » d'intervention contre les troupes sanguinaires du fantomatique « Etat islamique en Irak et au Levant » et leur crainte des retombées politiques et stratégiques de leur intervention. Ce qui est certain, c'est que le retour à la stabilité et à la paix en Irak d'une manière générale ne sera pas une question de semaines ou de mois. Les données actuelles dans la région hypothèquent le retour à la paix dans le court terme. Et l'Europe se trouve ainsi embarquée dans une aventure guerrière qui ne présage rien de bon pour toute la région du Moyen-Orient. Quant aux USA, ils y sont depuis 2003 pour les raisons qui les concernent, comme la mainmise sur la production pétrolière en Irak, Kurdistan compris.