Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Irak : La situation s'aggrave

par Moncef Wafi

Le monde occidental continue de se mobiliser pour la minorité kurde yézidie et pour les chrétiens d'Irak réfugiés à Arbil, la capitale du Kurdistan irakien. Les Etats-Unis d'Amérique, qui multiplient les frappes depuis vendredi contre les positions de Daech, tant avec des avions qu'avec des drones, ont permis aux Peshmergas de reprendre, ce dimanche, deux villes du nord de l'Irak au prix de combats meurtriers. Le président américain, Barack Obama, a déclaré vouloir «empêcher l'État islamique d'aller dans les montagnes et de massacrer les gens qui se sont réfugiés là-bas», sans évoquer le reste du territoire irakien et des zones tombées aux mains des forces de l'Etat islamique en Irak. Ainsi, sur le plan militaire, les forces kurdes qui ont subi ces derniers jours plusieurs revers face aux insurgés sunnites, ont repris Makhmour et Gwe, situées au sud-ouest d'Arbil, au troisième jour des frappes aériennes menées par l'Air Force. Les Etats-Unis, qui se sont retirés d'Irak il y a près de trois ans, ont commencé vendredi à mener des frappes contre les positions des insurgés. Sur le plan humanitaire, les Etats-Unis ont largué en quatre fois depuis jeudi soir «plus de 74.000 repas et plus de 56.780 litres d'eau potable» aux populations en détresse, a indiqué dimanche le Pentagone. Le Royaume-Uni a également commencé le jour même à larguer de l'aide. De son côté, la France, par l'entremise de son ministre des Affaires étrangères, s'est empressée de se faire le porte-voix de la communauté internationale pour soutenir les populations kurdes et chrétiennes. Laurent Fabius a également appelé à une coalition politique en Irak pour contrer les djihadistes. Bruxelles, quant à elle, a dénoncé des «crimes contre l'humanité», évoquant des «persécutions et des violations des droits humains fondamentaux», une terminologie fort absente du lexique européen lorsque Israël assassine la population ghazaouie en toute impunité. Le pape s'est dit lui, «effaré et incrédule», appelant à «une solution politique efficace au niveau international et local» pour stopper les troupes de l'EI. Pourtant, à Bagdad, la priorité est toute autre puisqu'un bras de fer politique est en train de se mettre en place avec l'intention d'Al Maliki de porter plainte contre le tout nouveau président irakien accusé d'avoir violé la Constitution. Ainsi, un déploiement inhabituel de forces de sécurité a été constaté dans des zones stratégiques à Bagdad spécialement autour de la zone verte, un quartier hautement protégé où sont basées les institutions clé du pays, dans la nuit de dimanche à lundi, peu de temps avant que le Premier ministre n'intervienne à la télévision d'Etat. Un déploiement sécuritaire aux relents de coup d'Etat puisque de nombreuses rues ont été fermées ainsi que plusieurs ponts clé de la capitale irakienne. Al Maliki accuse Fouad Masoum d'avoir violé deux fois la Constitution, notamment en ne confiant pas à un Premier ministre désigné la mission de former un nouveau gouvernement. La réaction de Washington n'a pas tardé puisque la porte-parole du département d'Etat, Mary Harf, a déclaré que «les Etats-Unis soutiennent pleinement le président Fouad Masoum dans son rôle de garant de la Constitution irakienne». Un camouflet à Nouri al Maliki, le tout-puissant Premier ministre qui a régné en maître incontesté de l'Irak en l'absence du Président sortant parti à l'étranger pour des raisons médicales. Le chiite, dont la coalition a remporté les législatives du 30 avril, vise un 3e mandat, mais il est vivement critiqué pour son autoritarisme et son choix de marginaliser la minorité sunnite.