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Les chancelleries étrangères victimes de l'insécurité : Deux morts dans l'attaque de l'ambassade russe à Tripoli

par Moncef Wafi

Moscou a décidé d'évacuer son personnel diplomatique ainsi que leurs familles de Tripoli, ce jeudi, après l'attaque qui a ciblé son ambassade, perpétrée mercredi. Même si le mobile de cette attaque, qui a fait deux morts parmi les assaillants, n'est pas d'ordre politique et ne répond à aucune considération idéologique, la sécurité des chancelleries étrangères, dans la capitale libyenne, reste posée.

«La décision a été prise, compte tenu de la situation, d'évacuer, immédiatement, via la Tunisie l'ensemble des employés de nos représentations diplomatiques et leurs familles», a déclaré le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch, pour expliquer cette décision ajoutant que la Russie a été encouragée, dans cette voie, par l'incapacité des Libyens à assurer leur sécurité.

Le communiqué russe, citant le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Abdelaziz, dans ce sens, a fait réagir ce dernier qui a fortement démenti les propos «diplomatiques» des russes. «Nous ne pouvons pas faire ce genre de recommandations», a expliqué M. Abdelaziz, à l'AFP. Le ministre a précisé avoir «demandé à l'ambassadeur russe de quitter l'ambassade et de passer la nuit dans un hôtel ou dans un autre lieu plus sûr», par crainte d'une nouvelle attaque.

Le convoi, transportant le personnel russe ainsi que leurs familles s'est dirigé vers les frontières tunisiennes et plus précisément à Djerba d'où ils ont pris, hier, un vol spécial pour Moscou. L'attaque contre l'ambassade de Russie aurait été menée en représailles à l'assassinat dans la capitale libyenne, le 1er octobre dernier, d'un officier de l'armée par une femme russe dans des circonstances encore non élucidées. Une version des faits veut que cet assassinat est en relation avec le rôle joué par la victime dans la révolte contre le régime de Maâmar Kadhafi. Pour d'autres, le meurtre est passionnel puisque la tueuse n'est autre que la propre femme de l'officier. Pour les Russes, se basant sur des informations disponibles, le mobile de l'attaque de leur représentation diplomatique trouve ses racines dans le meurtre d'un officier libyen par une ressortissante russe Ekaterina Oustioujaninova ainsi que des coups de couteau portés à sa mère. «Ces événements ont poussé les proches et les amis du Libyen tué à venger sa mort», a encore indiqué le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères. Cette attaque illustre, on ne peut mieux, l'incapacité du nouveau régime en place, à assurer la protection des sites diplomatiques ainsi que des diplomates étrangers eux-mêmes. Entre banditisme et terrorisme, les ambassades occidentales sont devenues, depuis la chute du colonel Kadhafi, des cibles, toutes désignées. Le 11 septembre 2012, des islamistes avaient lancé une attaque contre le consulat américain, à Benghazi, au cours de laquelle l'ambassadeur des États-Unis, Chris Stevens, et trois autres Américains avaient été tués. Ce climat d'insécurité a poussé la plupart des diplomates et expatriés à quitter cette ville, bastion de la révolte libyenne de 2011 et réputée pour être un fief des islamistes. Le 23 avril dernier, un attentat à la voiture piégée contre l'ambassade de France, à Tripoli, a fait deux blessés parmi les gendarmes français. Pour sa part, le ministre libyen des Affaires étrangères, tout en reconnaissant «l'inquiétude des représentations diplomatiques», souligne les efforts sécuritaires fournis par Tripoli, dans une «période de transition difficile». Un organe de «sécurité diplomatique» a été mis en place, mais les services de sécurité, mal formés et indisciplinés, sont souvent dépassés par des assaillants mieux armés et plus décidés qu'eux. Pour faire face à cette montée de menaces, plusieurs chancelleries ont décidé de prendre, elles-mêmes, des mesures, soit en déménageant dans l'un des deux hôtels sécurisés de la capitale, ou en s'installant dans des «villages» sécurisés, tout en réduisant leur personnel au strict minimum. Les Américains, eux, ont construit leurs propres sites ultra-sécurisés.

Par mesure de sécurité aussi, les écoles internationales et les instituts culturels étrangers ont été soit fermés, soit mis en veilleuse. Les diplomates et expatriés doivent, également, faire face, depuis quelques mois, à une recrudescence d'actes criminels, en particulier à Tripoli et plusieurs diplomates ont été victimes de braquages, la plupart du temps, en plein jour.