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Escalade sanglante en Egypte : Jeu de la mort entre Frères et «baltaguis»

par Salem Ferdi

La tension ne faiblit pas en Egypte où les manifestations des partisans du président déchu Mohamed Morsi se heurtent, de plus en plus, à des attaques menées par ceux qu'ils accusent d'être des ?baltaguis', agissant sous la couverture de la police.

Le nombre des victimes est en train de s'allonger. Entre lundi soir et mardi matin, on a enregistré 15 morts dans ces affrontements. Hier matin, 6 personnes ont été tuées aux abords de l'Université du Caire, dans le quartier de Guizeh, proche du centre-ville. C'est, avec ?Rabea Al-Adawiya', un des lieux permanents de rassemblements des partisans de Morsi, au Caire. Le bilan de la journée de lundi est de 9 morts et 86 blessés, dans des affrontements au Caire, Guizeh et Quailoubia, selon le ministère de la Santé. Le nombre des victimes, depuis la fin du mois de juin, s'établit à plus de 150 morts, le pic ayant été atteint avec le carnage devant le siège de la Garde républicaine où 51 manifestants ont été tués. Une quarantaine de personnes ont été tuées dans la région du Sinaï, dans des affrontements entre djihadistes et les forces de sécurité. Ces derniers jours, les observateurs ont constaté un facteur d'escalade dans la tension, à travers l'entrée en lice de groupes non-identifiées qui s'attaquent aux cortèges des partisans du président déchu. Cela a été le cas à Mansourah où ces personnes, des«baltaguis agissant sous la protection de l'Intérieur», affirment les Frères Musulman, ont attaqué des femmes dans un cortège de manifestantes pro-Morsi. Quatre d'entre-elle ont été tuées, créant une tension considérable. Les médias égyptiens, totalement hostiles au Frères Musulmans, s'abstiennent d'évoquer ce jeu trouble et dangereux dévolus, à nouveau, aux fameux ?baltaguis' qui sévissaient sous le régime de Moubarak. Il est, pourtant, l'ingrédient d'une escalade sanglante qui fait déborder les manifestations de leurs cours globalement pacifiques. Dans un tel climat, l'appel à la «réconciliation nationale» lancé par le président intérimaire Adly Mansour, tombe à plat. D'autant que le journal gouvernemental ?Al-Ahram' a lancé une bombe, en annonçant, lundi, que le procureur a décidé d'emprisonner Mohamed Morsi pour une durée de quinze jours. Et qu'il l'inculpait pour espionnage et incitation à la violence, sur la base d'enregistrements téléphoniques d'appels de Morsi avec les Américains, les Frères Musulmans et le Hamas «quelques heures avant sa destitution».

QUE FAIRE DE MORSI ?

Des accusations aussi graves que folkloriques puisque, selon ?Al Ahram', pour appeler la présidence des Etats-Unis, le président Morsi a demandé au général Sissi de lui prêter son téléphone? et que celui-ci a décidé de l'enregistrer avec «l'aval de la justice». Mais au-delà du délire, l'article du rédacteur en chef d' ?Al Ahram' semble exprimer la volonté d'un clan du pouvoir d'en «finir» avec Morsi, y compris en usant d'accusations grossières.

Le procureur général a réagi et a interrogé le journaliste pour diffusion de fausses nouvelles concernant la mise en détention de Mohamed Morsi. L'armée a, de son côté, démenti des nouvelles «sans fondement»» visant à «enflammer l'opinion publique et servir des parties politiques particulières». Mais le statut, plus que flou, du président Morsi est l'un des principaux problèmes de l'armée. Le Majliss Echoura, dissous par l'armée, s'est réuni à ?Rabea- Al-Adawiaya', et a réclamé la restauration du président et de la Constitution, ainsi que «la fin immédiate de la disparition forcée» de M. Morsi. Un qualificatif utilisé par plusieurs ONG de droits de l'Homme, pour qualifier la situation du président Morsi. Sa famille a dénoncé un «enlèvement» et a annoncé qu'elle comptait saisir la justice. «Aucun d'entre nous n'a eu aucun contact avec notre père depuis l'après-midi du coup d'Etat», a indiqué son fils, Oussama Morsi. «Nous sommes en train d'engager des procédures légales localement et internationalement contre Abdel Fattah al-Sissi, chef du coup d'Etat militaire sanglant, et son groupe putschiste», a déclaré sa fille, Chaïmaa Morsi. Elle les considère comme «pleinement responsables de la santé et de l'intégrité du président Morsi».

L'Union Européenne a réclamé «la libération de tous les détenus politiques, dont Mohamed Morsi» et a souligné que les «les forces armées ne devraient pas jouer un rôle politique dans une démocratie». Les militaires ne savent, pour l'instant, pas quoi faire de Morsi. S'ils le libèrent, il y a de fortes chances qu'il rejoigne le camp de ?Rabea Al-Adawiya' pour défendre sa légitimité face aux putschistes. L'emprisonner sous des chefs d'accusation fabriqués pour nécessité politique ne ferait qu'enrager davantage ses partisans qui battent le pavé. Et qui se heurtent, de plus en plus, à l'entrée en action violente des baltaguis. Pour le moment, les militaires font savoir que le président est «en lieu sûr» et «traité dignement». Pas de quoi contredire l'accusation d'enlèvement lancée par sa famille et les Frères qui restent dans la rue.