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Mali: une élection sur laquelle planent doute et suspicion

par Kharroubi Habib

En application du calendrier électoral fixé à leurs autorités de transition par la communauté internationale, les Maliens sont appelés à élire dimanche leur nouveau président. Le scrutin est censé remettre le Mali, éprouvé par 18 mois de crise politique et une guerre contre les bandes jihadistes qui occupaient sa région nord, sur la voie de la paix et de la stabilité.

L'urgence que le Mali renoue avec l'ordre constitutionnel n'est pas à remettre en cause. Ce retour conditionne en effet l'octroi de l'aide internationale promise au pays pour lui permettre d'engager un programme de reconstruction et de développement en mesure de satisfaire les attentes sociales immenses de la population et d'édifier un Etat en qui se reconnaîtraient tous les Maliens. Le problème est qu'il a été imparti aux autorités de transition d'organiser le scrutin dans un délai qu'observateurs et acteurs politiques maliens ont estimé trop court pour qu'elles puissent réunir les conditions en mesure d'en assurer la régularité et le climat de sécurité sans lesquels l'opération tournerait à la mascarade électorale qui aggraverait la crise politique malienne.

A quelques jours du scrutin, et malgré la sérénité de façade affichée par les autorités de Bamako, le doute est de rigueur sur la bonne préparation. L'administration en charge de son organisation est confrontée à des problèmes de moyens logistiques qui ne lui permettent pas de résoudre par exemple la question du vote des quelque cinq cent mille maliens réfugiés ou déplacés de façon qui ne prêtera pas à contestation. Insuffisance à laquelle s'est ajouté que le climat sécuritaire au Nord-Mali dans la région de Kidal est loin de susciter l'optimisme. Un climat qui peut s'assombrir au cas non écarté où les groupes jihadistes, certes mis en déroute, s'avisent cependant de perturber le déroulement du scrutin par des attentats terroristes et des assauts contre des bureaux de vote.

Le président intérimaire Diancounda Traoré lui-même n'a pas écarté que le scrutin organisé à la va-vite ne sera pas « totalement satisfaisant ». Il a néanmoins appelé tous les acteurs politiques maliens et la population à en « accepter » les résultats. Invite qu'étrangement le secrétaire général de l'ONU a lui aussi formulée à leur intention. Ce qui conforte au sein des milieux ayant critiqué le côté expéditif du calendrier électoral imposé aux autorités maliennes la considération que des intervenants étrangers dans la crise malienne ont opté pour se satisfaire d'un semblant de retour à l'ordre constitutionnel même s'opérant à travers un scrutin ne répondant pas à toutes les normes de la démocratie.

Il apparaît qu'au Mali et sous prétexte d'aider ce pays à surmonter sa crise politique, des puissances s'ingénient à faire réaliser par ses autorités un processus de reconstruction de l'ordre constitutionnel qui tienne compte de leur propre agenda dont les finalités sont le maintien de leur influence dans le pays et l'assurance que leurs intérêts nationaux au Mali seront préservés. Une élection présidentielle hâtivement convoquée et organisée dans la confusion n'est pas gage de fin de l'ingérence étrangère à laquelle le pays est ouvertement soumis, car celui qui l'emportera dans ces conditions va devoir s'en accommoder pour faire face aux contestations qui ne manqueront pas de s'exprimer en dépit de la « recommandation » à s'en accommoder formulée par Diancounda Traoré et Ban Ki-moon.