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TLEMCEN: «Tahammamit», un petit coin de paradis

par Allal Bekkaï

Située dans un paysage bucolique, à équidistance entre les villages d'Ouzidan et Aïn El Hout (à 19 km au nord-est de Tlemcen), la source thermale dite «Tahammamit» constitue une curiosité touristique de la région. Les habitants disent indifféremment Tihammamit (Tahammamine ou Tihammamine).

Ce mot est composé d'une racine arabe «hammam,» à laquelle on a accolé le préfixe ?Ta' et ?Ti', sachant qu'en langue berbère ?Ti' marque le masculin et ?Ta' le féminin. A partir de Aïn El Hout, on emprunte, sur 2 km, une piste large, mais non carrossable, dont le début se trouve en face de la salle de consultations, sous un immense térébinthe. D'Ouzidane (lieux doux, en berbère, de par sa richesse en eau et ses vergers), on peut s'y rendre par le village de Hamri ou Sidi Yahia, via le cimetière de Sidi Laïdouni. A 30 minutes, à l'ouest, près de Safsaf, se trouve Tahammamit. D'une grotte jaillit une source thermale qui emplit une piscine, au pied des roches seffah, dans un écrin de verdure. «La végétation est ici d'une étonnante vigueur et des arbres de toutes sortes y donnent, en été, une délicieuse fraîcheur. Les ravins et les sentiers sont bordés de rosiers, de sureaux, de figuiers et d'ormeaux séculaires qu'enlacent d'énormes lianes de vigne sauvage et plantes grimpantes. C'est dans ces bosquets d'oliviers et dans ces fourrés, quasi sauvages, que la tourterelle vient nicher au printemps, à côté du loriot et du rossignol», fut ainsi décrit ce site merveilleux par Alfred Bel, directeur de la medersa, premier président du Sit. Sur notre chemin, nous avons fait un brin de causette avec Si Miloudi, un berger, qui faisait paître son troupeau de moutons, tout en étant étendu sous les frais ombrages. Depuis une vingtaine d'années, la source chaude a été captée et entourée d'un grand bassin. Une vingtaine de personnes peuvent s'y baigner. La température de l'eau est de 32°. La source aurait des vertus curatives en matière de dermatologie, selon Si Kerboua, un houti, éleveur de son état, rencontré sur les lieux. Il est venu à dos d'âne. Avant de partir, il comptait cueillir des caroubes, à défaut de figues (le figuier voisin du bassin était visiblement dépouillé). L'origine de Tahammamit est profonde, à l'instar du «bain de Melilia» qui jaillit au bord de l'oued Messaoud (Hennaya).

L'«aménagement» de cette piscine naturelle serait l'œuvre des Benmansour, une famille de chorfas, sur le domaine desquels elle se trouve. «Depuis l'invasion de l'ITE (bidonville érigé à Hamri, abritant une «mosaïque» de 48 wilayas, n.d.l.r), je n'y mets plus les pieds», nous dira un de leurs fils croisé devant une ferme. En fait, ce site paradisiaque abrite 3 sources : Skhouna (eau thermale), Tahammamit (piscine) et Nekhla ou Tahammamit sghira (cette dernière est à sec suite à la décennie de sécheresse et les poissons qui s'y trouvaient, ont disparu), selon Hadj Chergui, un vieux fellah d'Ouzidan.

Le restaurant pittoresque (buvette) géré par un colon a disparu du décor. Des enfants ouzidanis barbotaient allègrement dans l'eau sous l'œil vigilant de leur grand frère, lui-même «escorté» d'un chien noir, fuyant la canicule qui sévissait, en ce jour de Ramadhan. Deux jeunes houtis plongeaient, sans se lasser, du haut d'un rocher. Un trentenaire, visiblement assommé par le soleil ardent, attacha son chien loup à l'aide d'une chaîne, avant de faire trempette gardant sa combinaison «starr»? Quant à nous, nous nous souvenons, comme si cela datait d'hier, des sorties champêtres à Tahammamit agrémentées de baignade, de hawfi et d'escarpolette, organisées conjointement, dans les années 60, par les familles Bekkaï et Tabet, en marge de la fête patronale de Sidi Mohammed Ben Ali (descendant de Sidi Abdallah Benmansour) à Aïn El Hout. Pour les vielles femmes impotentes qui ne pouvaient faire le trajet à pied, c'était la pittoresque traction noire (taxi clandestin) de Salamane qui venait à la rescousse. Une ?waâda' conviviale avec les «fqiret» nommées Saliha, Djamila, Mamia, Mansouria, Kheïra, Aouicha, Ammaria, Kenza?Un bel exemple de communion et de cohabitation entre le mystique (waâda à Aïn El Hout) et le profane (n'zaha à Tahammamit). A ce site naturel légendaire qu'est Tahammamit venaient s'ajouter d'autres lieux de loisirs nautiques comme El Ourit, Saf Saf, Sidi Kanoun, Aïn El Houtz, Sid El Kissi?, avant l'avènement dans les années 70 de la mode balnéaire avec les plages de Rachgoun, Madrid, Beni-Saf, Sidna Youchaâ et Port Say?