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Morsi refuse de lâcher, le bras de fer se poursuit : L'Egypte dans la rue et divisée

par Salem Ferdi

Place contre place, la rue contre la rue. C'était le grand bras de fer, hier, au Caire et dans d'autres villes du pays pour le premier anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi.

Adversaires et partisans du président Mohamed Morsi se sont rassemblés au Caire, place Tahrir pour les premiers et dans la place à proximité de la mosquée Rabea Al Adawiya (Nasr City) pour les seconds dans un climat de fortes appréhensions d'un dérapage vers la violence. Appréhensions confortées par les violences enregistrées vendredi dernier qui ont fait au moins une dizaine de morts. L'armée était en état d'alerte et a renforcé sa présence devant les installations vitales du pays. Jusqu'à la fin de l'après-midi, mis à part quelques accrochages liés à la tentative d'éléments inconnus d'incendier les sièges du parti de la Justice, la situation était maitrisée. Des informations faisaient état d'affrontements à coup de pierres et même de tirs de cartouches qui auraient fait cinq blessés dans un quartier du Caire. Les deux «camps» se trouvant dans des lieux géographiques assez éloignés, les rassemblements se déroulaient dans un climat passionné mais pacifique. Mais les adversaires de Morsi qui ont lancé le «tamarod» devaient en théorie se mettre en branle en direction du palais présidentiel, ce qui pourrait donner lieu à des dérapages. Les Frères musulmans disent avoir choisi Nasr City comme lieu de rassemblement en raison de sa proximité du palais présidentiel et pour réagir rapidement en cas de nécessité. Place Tahrir qui était pratiquement pleine à la fin de l'après-midi veut le départ de Mohamed Morsi, Place Rabea Al Adawiya défend la légitimité.

MORSI: JE RESTE? AU NOM DE LA CONSTITUTION

Le discours de conciliation et de dialogue semblait dépassé comme si toutes les forces politiques en lice comptaient sur la rue pour trancher dans la crise politique. Issam Al Haddad, un collaborateur du président Morsi a demandé aux protestataires d'isoler les «baltaguis qui les utilisent comme couverture». Il était évident, hier, à travers les images des rassemblements que l'opposition égyptienne, couvrant un spectre assez large allant des libéraux à l'extrême-gauche, a réussi à mobiliser au-delà de son électorat traditionnel. Une partie des Egyptiens, sans affiliation politique, ont rallié l'idée de pousser Mohamed Morsi vers la sortie. L'opposition compense ainsi sa faiblesse par un succès indéniable de la manifestation de la Place Tahrir, à Alexandrie et dans d'autres villes. La vraie question est la suite qui sera donnée au «dimanche du jugement» comme l'opposition le nomme. Car le président Mohamed Morsi a déjà donné sa réponse à la demande de démission formulée par ses adversaires: c'est niet. Il n'y aura pas de «nouvelle révolution» en Egypte, a-t-il déclaré, dans un entretien au Guardian. Il n'y a aucune place pour tout discours allant «contre la légitimité constitutionnelle». Affichant sa ferme volonté de ne pas céder à la rue, le président Morsi a affirmé qu'une démission affaiblirait la légitimité de l'institution présidentielle, saperait celle des futurs présidents et «mènerait tout droit à un chaos sans fin». »Si on change un responsable élu en conformité avec la légalité constitutionnelle, d'autres s'opposeront au nouveau président et lui demanderont, une semaine ou quelques mois plus tard, de se démettre». «Il n'y a pas de place pour un discours contraire à la légalité constitutionnelle. Il est possible qu'il y ait des manifestations et des personnes qui expriment leurs avis. Mais le plus important au milieu de tout cela est l'application de la Constitution, c'est une question vitale». Dans le même entretien, Morsi a exprimé sa haute certitude que l'armée n'allait pas prendre le pouvoir. Dans l'après-midi, un porte-parole du président a appelé au respect du caractère pacifique des manifestations et renouvelé l'appel à un dialogue national pour parvenir à des arrangements consensuels. La campagne Tamarod a atteint, hier, son point d'orgue. La nuit tombait sur l'Egypte avec des places pleines avec des demandes contradictoires «irhal» (Dégage) ou pas touche à la légalité constitutionnelle. Un dialogue de sourds inquiétant. La nuit tombait dans un climat de division et d'incertitude.