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Egypte: l'heure du compromis est dépassée

par Kharroubi Habib

Le mouvement anti-Morsi « Tamarrod » à l'origine des appels à manifester le 30 juin coïncidant avec le 1er anniversaire de l'investiture du président égyptien a incontestablement démontré que son initiative a rencontré un large écho au sein de la population égyptienne, comme l'ont prouvé les 22 millions de signatures recueillies par sa pétition demandant la démission de Morsi et une présidentielle anticipée, ainsi que les dizaines de milliers de manifestants qui ont convergé hier place Tahrir en scandant la même exigence.

Ce 30 juin, il est clairement apparu que le président égyptien est confronté à une contestation populaire qui par son ampleur remet en cause sa légitimité électorale et devrait le contraindre à faire appel sous une forme ou une autre à la souveraineté populaire pour trancher entre lui et ses détracteurs. Son camp a beau mettre en avant que la pétition et la démonstration de force du mouvement Tamarrod n'ont pas de valeur constitutionnelle, le président égyptien va devoir trouver un terrain d'entente avec l'opposition à moins qu'il ne soit décidé à engager avec elle une épreuve de force qui pourrait alors conduire le pays au « chaos ».

Mercredi, Morsi qui s'est adressé à la nation a semblé animé de la volonté de suivre la première option en invitant au dialogue l'opposition qui revendique sa démission. Sauf que la polarisation extrême que la revendication de cette opposition a suscitée au sein de la société égyptienne est difficile à atténuer uniquement par une offre de dialogue que « Tamarrod » et ses sympathisants ont d'ailleurs jugée de pure façade et maintenu leur mot d'ordre de manifestation pour le 30 juin. Il est à craindre que la crise politique en Egypte qui a pris l'allure d'un bras de fer entre les deux camps antagonistes dégénère dangereusement du fait que les deux antagonistes n'apparaissent pas disposés au compromis.

Les opposants au président égyptien et au mouvement islamiste des Frères musulmans sur lequel il s'appuie ne veulent rien moins que cesse la monopolisation du pouvoir au profit du courant islamiste qui est en marche depuis l'investiture de Morsi à la présidence de la République. Ce dont arguant de leur légitimité électorale le président Morsi et les Frères musulmans ne veulent pas entendre parler et accusent leurs adversaires politiques d'agir contre la volonté populaire qui s'est démocratiquement exprimée dans les scrutins qui les ont portés au pouvoir. L'ironie dans la confrontation qui fait se mesurer les deux camps c'est que chacun s'estime dans la continuité de l'esprit et des buts que s'est fixés la « révolution de la place Tahrir » qui a provoqué la démission de Moubarak et la chute de son régime.

Cette révolution a en tout cas produit une nouvelle donne en Egypte que plus aucun acteur agissant sur la scène politique nationale ne peut dorénavant ignorer et agir sans en tenir compte. Elle est que le peuple égyptien a rompu avec le comportement de docilité et de civisme qui lui a fait accepter des pouvoirs qui sous prétexte de traduire sa souveraineté et ses aspirations n'œuvrent en réalité qu'à faire aboutir les vues et les intérêts des forces et groupes qui les composent. De ce point de vue, les Frères musulmans ont très vite révélé aux Egyptiens qu'ils ne sont pas l'exception qui ne vise pas à soumettre le pays à leur projet et vision partisans.