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Santé: Les spécialistes en grève illimitée à partir du 1er avril

par Mohamed Mehdi

Après deux débrayages cycliques de trois jours chacun, les praticiens spécialistes de santé publique iront vers une grève ouverte à partir du dimanche 1er avril.

C'est ce qu'a annoncé le président du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP), Dr Mohamed Yousfi, lors d'une conférence de presse tenue hier, confirmant ainsi la décision du Conseil national du syndicat prise à la fin février. Rien dans les relations entre le SNPSSP et le ministère de la Santé n'augure d'un règlement de ce conflit dont les revendications remontent au moins à juin 2010.

«Malgré les intimidations et les mesures répressives, la grève s'est bien déroulée, avec un taux moyen de suivi d'environ 80%, et dans certaines wilayas, le taux de suivi a été même supérieur par rapport au premier jour», a déclaré Dr Yousfi qui a tenu à dénoncer aussi bien l'attitude du ministère de la Santé que le comportement des médias publics «qui ont censuré nos propos, contrairement au ministre de tutelle qui s'est exprimé sans retenue allant jusqu'à dire des contrevérités», ajoute le président du SNPSSP.

A propos des médias publics, en particulier la télévision et «même certaines chaînes de la radio nationale» qui «viennent nous filmer et nous interviewer, sans rien diffuser après», affirme Dr Yousfi. En parallèle, «la télévision passe les déclarations du ministre de la Santé, M. Ould Abbas qui, en plus de ne donner aucune preuve des revendications qu'il prétend avoir réglées, dénigre les médecins spécialistes grévistes», dit-il encore. Sur le même registre, le président du SNPSSP rejette les «reproches» faits au syndicat d'être intervenu sur des médias lourds étrangers, comme Al-Jazeera. «Ils ferment l'ENTV, et nous reprochent d'avoir informé la population sur d'autres médias algériens (comme la presse écrite) ou étrangers dont Al-Jazeera», rétorque Dr Yousfi.

Concernant les mesures prises, cette fois aussi, par le ministère de la Santé à l'encontre des spécialistes en grève, Dr Yousfi en dénombre trois. «Il y a eu bien sûr des retenues sur salaire. Ce qui est légal, mais la loi dit aussi que ces retenues peuvent êtres négociées avec le partenaire social dans le cadre d'un règlement du conflit. Alors, le ministère de la Santé ne fait rien pour régler le conflit, mais il fait usage de cette disposition qui l'autorise à ponctionner nos salaires», affirme-t-il. Le président du SNPSSP rappelle, à titre d'exemple, que sur les 3 mois de grève observés à l'époque du ministre Barkat, une seule semaine de retenue de salaire a été appliquée, le reste a été négocié dans le cadre du règlement de la crise. «Cela étant dit, affirme Dr Yousfi, les spécialistes assument leurs actes et considèrent que leur dignité n'a pas de prix».

Par ailleurs, et concernant les déclarations du ministre faisant état de la suspension des médecins spécialistes chefs de service», considérant qu'ils occupent des postes supérieurs ne donnant pas droit de grève et obligeant au devoir de réserve, le président du SNPSSP estime que Ould Abbas est «mal informé». «Il s'agit de postes supérieurs et non pas de fonctions supérieures qui, elles, sont réellement astreintes aux obligations de réserve et de ne pas faire grève, en contrepartie d'importants avantages socio-professionnels. Mais pour les médecins spécialistes, être chef de service est un poste technique à grande responsabilité pour lequel il reçoit une indemnité misérable de l'ordre de 17.000 DA», affirme le président du syndicat. Dr Yousfi relève également que lorsque d'autres corps de la santé publique ont mené des grèves, «aucune mesure du genre n'a été prise à leur encontre».

L'autre sanction contre laquelle s'insurge le SNPSSP concerne le «blocage de la 2e tranche du rappel pour les grévistes, sur instruction du ministère de la Santé». Une décision qualifiée «d'abus de pouvoir» et de «non-respect de la loi de la République». «De quel droit Ould Abbas décide de bloquer la 2e tranche du rappel de la revalorisation du régime indemnitaire, avec effet rétroactif à partir de 2008, décidé pour l'ensemble des fonctionnaires», interroge Dr Yousfi?

Autre élément révélé par le président du SNPSSP, des «SMS envoyés à travers un opérateur privé pour dire aux citoyens que la majorité des praticiens spécialistes n'a pas participé à l'appel de la grève».

Concernant le taux de suivi de la grève du SNPSSP annoncé par un communiqué du ministère de la Santé, qui est de 5%, Dr Yousfi fait la remarque suivante: «Si 95% des spécialistes n'étaient pas en grève, alors pourquoi avoir pris toutes ces mesures répressives, y compris en menaçant de suspendre de leurs postes les chefs de services? Pourquoi toute cette panique, si ce n'est que cette grève dérange réellement».

Enfin, répondant aux propos de M. Ould Abbas concernant les «privilèges» que défendent les grévistes, Dr Mohamed Yousfi affirme: «Les seuls privilèges que nous défendons, c'est de rester au pays, vouloir améliorer le système de santé pour le bien de l'ensemble des régions du pays, et servir convenablement les malades». Il rappelle que ce sont ces mêmes spécialistes qui étaient en poste «dans les zones chaudes, durant la décennie noire».