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PAS D'OPTIMISME POUR LE SAHEL

par M. Saadoune

Le Mali s'enfonce dans la crise après le putsch contre le président Amadou Toumani Touré (ATT), qui a été, sombre présage, immédiatement accompagné d'actes de pillage contre des institutions publiques et des particuliers. Il est difficile de se prononcer sur l'avenir d'un putsch qui advient alors que les élections présidentielles étaient prévues pour la fin du mois d'avril et que le nord du pays connaît un renouveau de la rébellion targuie.

Le Mali se présente comme un cas d'école, où les vieux problèmes internes, purulents et en suspens sont rallumés et portés à incandescence par un contexte externe. La destruction violente du régime de Kadhafi par les forces de l'Otan ne pouvait rester sans conséquence. Les plus optimistes espéraient une redistribution pacifique des cartes politiques dans un Sahel ouvert à tous les vents. Depuis plusieurs semaines, il était évident que l'optimisme n'est pas de mise. C'est bien le mauvais scénario qui s'est confirmé au fil des semaines avec une redistribution des armes à une échelle encore indéfinie. Cette redistribution pèse déjà lourdement en Libye avec des milices organisées sur des bases régionales et tribales qui entravent le rétablissement d'un fonctionnement à peu près normal du pays. Des forces centrifuges émergent avec des demandes d'autonomie nourries, semble-t-il, par des incitations externes que le CNT n'ose pas nommer avec précision.

Ce ne sont pas seulement les milices locales qui se sont servies dans les arsenaux de la «djamahirya» détruite, mais d'autres acteurs de la grande zone grise sahélienne. L'impact de l'intrusion musclée des forces externes en Libye pèse lourdement sur toute la région. Le «retour» au pays des Targuis, que le régime et les services de Kadhafi utilisaient dans un jeu manœuvrier et confus dans la région, ne se fait pas dans la discrétion.

C'est un retour armé - et ce n'est pas une surprise - qui provoque une remise en cause brutale du statu quo dans le nord du Mali. Ses effets sont désormais à Bamako et risquent de s'étendre. Le mouvement, mené par des petits gradés et des soldats du rang, a commencé par une «simple» mutinerie. Puis il s'est transformé en coup d'Etat par défaut de résistance des forces loyalistes. Cela donne une idée claire de l'état de déliquescence d'un Etat qui a déjà pratiquement perdu le Nord au profit des rebelles. Les putschistes maliens, qui n'ont pas été suivis par les hauts gradés et le gros de la classe politique, sont en train d'arrêter à tour de bras.

 Mais ils n'ont pas les idées claires sur l'avenir. Ils reprochent au président ATT de ne pas leur avoir donné les moyens de faire face à la rébellion au Nord. Pourtant, l'un des effets les plus certains de ce coup d'Etat est de donner du temps aux rebelles pour s'installer et étendre leur influence.

L'Union africaine et pratiquement l'ensemble des capitales du monde condamnent le coup d'Etat ; mais cela suffira-t-il à faire rentrer les jeunes militaires dans leurs casernes ? C'est le scénario le plus optimiste. Mais encore une fois, l'optimisme dans le Sahel, où les acteurs gris gouvernementaux et non gouvernementaux ont reçu un afflux inespéré d'armes et probablement de fonds, n'est pas de mise.