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Libye: L'ONU exige la fin des attaques contre Misrata

par Yazid Alilat

Le conflit en Libye où pro- et anti-Kadhafi s'affrontent à l'arme lourde depuis six semaines s'embourbe inexorablement dans une impasse politique et diplomatique. Tous les efforts déployés jusqu'à présent pour enrayer la crise et faire asseoir à la même table des négociations les deux parties en conflit, l'opposition armée et le gouvernement libyen ont été un échec. Ni la mission de bons offices de l'Union africaine, ni les appels de la communauté internationale n'ont réussi à faire cesser le langage des armes, alors que de partout fusent des appels à l'arrêt des combats. Hier à Tripoli, des émissaires de haut rang de l'ONU ont exigé du Premier ministre libyen Al-Baghdadi Ali Al-Mahmoudi la fin des attaques contre la ville de Misrata, tenue par les insurgés et assiégée par les troupes de Kadhafi, lors d'une rencontre dimanche à Tripoli, ont rapporté les Nations unies. L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU et la secrétaire générale adjointe pour les questions humanitaires ont rencontré le Premier ministre libyen ainsi que le ministre des Affaires étrangères Abdelati Obeidi dimanche à Tripoli. Ces deux responsables de l'ONU ont demandé aux autorités libyennes de "stopper immédiatement les attaques partout dans le pays, spécialement à Misrata et de faciliter la fourniture d'une assistance humanitaire à tous ceux qui en ont besoin", a rapporté le porte-parole de l'ONU, Farhan Haq. Ils ont par ailleurs "réitéré la condamnation sévère de la communauté internationale de l'usage de la force contre les civils en Libye", a-t-il précisé. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé quant à lui hier depuis Budapest à un cessez-le-feu réel en Libye et prévoit l'extension de l'aide humanitaire à Tripoli. "Nous avons trois objectifs: d'abord un cessez-le-feu immédiat et réel, deuxièmement, étendre notre aide humanitaire à ceux qui en ont besoin, troisièmement, nous devons poursuivre le dialogue politique et la recherche d'une solution politique", a déclaré M. Ban aux journalistes lors d'une visite officielle de trois jours en Hongrie. "Vu l'ampleur de la crise humanitaire si les affrontements se poursuivent, il est absolument nécessaire que les autorités libyennes arrêtent les combats ", a-t-il insisté. "Une fois un cessez-le-feu obtenu, la Libye aura besoin de larges efforts pour établir et maintenir la paix ainsi que pour la reconstruction", a-t-il poursuivi.

Plus de 1000 morts à Misrata

Par ailleurs, au moins un millier de personnes ont péri en six semaines dans la ville rebelle assiégée de Misrata, selon des sources médicales, au moment où les combats en Libye marquaient le pas près d'un mois après le début de l'intervention militaire internationale. "Quatre-vingts pour cent des morts sont des civils", a déclaré hier l'administrateur de l'hôpital de Misrata, le Dr Khaled Abou Falgha, précisant que les combats incessants depuis la fin février avaient également fait 3.000 blessés. Pour la seule journée de dimanche, au moins dix-sept personnes ont été tuées et 71 blessées dans la grande ville côtière située à 200 km à l'est de Tripoli, a-t-on indiqué à l'hôpital. Le médecin a précisé avoir constaté, depuis la semaine dernière, de graves blessures causées par des bombes à sous-munitions, que les forces pro-Kadhafi emploient depuis jeudi soir, selon les insurgés et l'organisation Human Rights Watch.

L'emploi de ces armes, prohibées par une convention internationale en raison notamment des dommages qu'elles sont susceptibles de causer aux populations civiles, a nécessité de nombreuses amputations à Misrata, selon le médecin. L'hôpital a également constaté une augmentation du nombre de civils blessés par des balles à haute vélocité tirées par des snipers et provoquant des blessures dont les séquelles sont souvent irréversibles.

Les combats ont été "horribles", raconte Hussein Al-Fortia, un responsable des insurgés. "Il y a des familles (qui veulent partir) (...) Rester à Misrata est terrible. Tout le monde à Misrata se trouve sur la ligne de front", ajoute-t-il.

Selon lui, les forces de Kadhafi attaquent par trois côtés et tirent des roquettes à plusieurs km de distance. "Ils ont le feu vert pour tuer". Hier, des tirs d'artillerie étaient entendus au loin à Misrata.

Ailleurs dans le pays, les combats se poursuivaient à Nalout et à Ajdabiya, nœud de communication stratégique menant vers le fief des insurgés à Benghazi, à 160 km au nord, et vers Tobrouk, à 327 km à l'est.

Des habitants de Nalout s'étaient rendus un peu plus tôt à Zenten, à près de 120 km plus à l'est, pour chercher des renforts, faisant état de violents combats alors que les forces pro-Kadhafi tentaient de bloquer complètement la frontière, officiellement fermée mais encore poreuse par endroits.

A Ajdabiya, les forces pro-Kadhafi étaient revenues dimanche à moins de 20 km à l'ouest de cette ville, poussant certains insurgés et des habitants à fuir par centaines. Hier, les insurgés tenaient toujours la ville.

Al Qaïda est là

Par ailleurs, le régime libyen souligne toujours que "l'implication d'al-Qaïda dans le conflit en Libye est prouvée chaque jour". "Nous croyons que ce serait très dangereux que ces gens s'installent dans ce pays, contrôlent son avenir et son immense richesse, à quelques pas de l'Europe", a dit dimanche soir à la presse le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim. Quant à Seif Al-Islam, un des fils du colonel Mouammar Kadhafi, il a affirmé que les forces loyales n'avaient commis aucun crime contre le peuple libyen, dans une interview parue hier dans le Washington Post. "Nous n'avons commis aucun crime contre notre peuple", a-t-il déclaré, ajoutant que ''je ne peux pas accepter que l'armée ait tiré sur des civils. Ceci n'est jamais arrivé et n'arrivera jamais". "C'est exactement comme les armes de destruction massive en Irak", a-t-il expliqué. "On a dit armes de destruction massive, armes de destruction massive, armes de destruction massive. Allez attaquer l'Irak. Civils, civils, civils. Allez attaquer la Libye. C'est la même chose". Lors du déclenchement de l'insurrection en février, il avait promis une "guerre civile" et des "rivières de sang", tout en faisant miroiter des réformes. Depuis, le régime est accusé d'utiliser des bombes à sous munitions dans les combats à Misrata, d'où plusieurs milliers d'habitants seront évacués par mer par une aide internationale.