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Bouteflika parle, les patrons privés silencieux? moins un

par Abdelkader Zahar

«Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé une «action sérieuse» en direction de l'entreprise.

Quelle mesure attendez-vous pour l'entreprise ». A cette question, peu subversive, les patrons n'ont pas voulu répondre. Un seul, Slim Othmani, a accepté de s'exprimer.

En dépit des nos sollicitations, les opérateurs privés, à une exception près, se sont abstenus de commenter le «volet économique» du dernier discours à la nation du président Abdelaziz Bouteflika. Il ne faut pourtant pas y voir une marque de désintérêt. Les patrons, comme d'autres citoyens, ont écouté ou lu avec attention le discours qui annonce une «action sérieuse» en faveur de l'entreprise, publique comme privée, dans le but de les aider à améliorer leur productivité et le compétitivité. A ce titre, il a chargé le gouvernement «d'élaborer un programme national d'investissement destiné aux entreprises économiques, tous secteurs d'activités confondus, en concertation avec tous les opérateurs économiques et sociaux». Maghreb Emergent a sollicité plusieurs patrons, non pour porter un jugement, sur le contenu du discours mais de formuler ce qu'ils peuvent attendre du gouvernement et quel contenu ils souhaitent à «l'action sérieuse» exigée par le président de la République. Le résultat est édifiant : propos fuyants, téléphones qui se ferment? Comme si les patrons algériens n'avaient pas déjà, par le passé, formulé des demandes. Certes, la «remise dans le rang» du patron du FCE, coupable à moment donné «d'excès» de critiques sur le Credoc ou la règle du 51/49% a échaudé plus d'un. Mais cela n'explique pas que les patrons n'osent pas formuler ce qu'ils souhaitent voir figurer dans une action en direction des entreprises demandée par le chef de l'Etat. Il y a eu une exception, celle de Slim Othmani, PDG de NCA-Rouïba, qui dit percevoir «clairement» un désir, certes encore timide, d'ouverture du «dialogue avec les parties prenantes du monde de l'entreprise». Il n'en relève pas moins qu'il existe une «maladroite timidité» qui peut être le signe de l'existence de «tiraillements entre différents courants, pour et contre le libéralisme économique» ou d'une «impuissance à adopter une stratégie de rupture avec la politique économique passée».

L'entreprise n'est toujours pas au centre

Pour lui, le rappel par le chef de l'Etat des «mesures d'urgence» prises sonne comme un «auto-satisfecit» alors que ce sont des mesures dont l'effet à court terme laisse présager «un avenir incertain quant à la capacité réelle de notre système économique de créer des emplois pérennes». Pour le patron de NCA-Rouïba, la rupture intellectuelle ne s'est pas encore faite et «l'entreprise n'est toujours pas au cœur des préoccupations de nos gouvernants.». Pour s'en convaincre, «suffit de superposer le discours du président sur celui du Premier ministre, prononcé il y a quelques jours, et qui préconisait l'ouverture du capital des entreprises privées à l'Etat car, en filigrane, il estime le secteur privé incapable de produire la richesse attendue par la société algérienne». M. Othmani reconnaît que «l'État a beaucoup fait ou plutôt beaucoup dépensé» mais il estime que nous n'en serions pas là aujourd'hui «si cela avait été fait en concertation avec les acteurs de la société, en respectant le monde de l'entreprise, nous n'en serions pas là aujourd'hui».

Une radio privée, ce n'est pas une menace, c'est de l'emploi !

Slim Othmani note que «l'horrible bureaucratie et la corruption» ont été «à peine survolées» lors du discours du président, «alors qu'à son premier mandat il me semble avoir entendu ce même président dire que son pire ennemi était la bureaucratie». Il dit ne pas comprendre pourquoi les pouvoirs publics n'accordent pas d'agréments aux associations professionnelles actives (comme celles des producteurs de boissons, ou des prestataires de services informatiques, ndlr). «Comment dialoguer avec ces associations professionnelles, qui sont pourtant actives, alors qu'elles ne sont pas légalement reconnues ?».

 Pour lui, l'ouverture du secteur de l'audiovisuel, est «une opportunité de générer des milliers d'emplois». «Une radio privée thématique n'est pas une menace mais une opportunité d'emplois et d'épanouissement pour des dizaines de milliers de jeunes. Nous pouvons en faire la démonstration quand vous le souhaitez», dit-il à l'adresse des pouvoirs publics. Globalement, il reste sur sa faim. «Je m'attendais, comme beaucoup d'Algériens, à des décisions plus marquantes qui induiraient de profondes réformes, menées par équipe jeune, déterminée et compétente. Mais voilà c'est à nouveau le statu quo», conclut-il.