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Le procès des agents d'Algérie Télécom de nouveau reporté

par Houari Saaïdia

Nouveau report dans l'affaire de détournement de fonds de la recette d'Algérie Télécom, unité opérationnelle d'Oran, au niveau du centre Actel «Abane Ramdane», dont les faits remontent à 2005. Le procès a été renvoyé au mardi 10 mai. Cette fois-ci encore, c'étaient les avocats qui en ont fait la demande au motif que certains d'entre eux ne s'étaient que constitués que récemment. La réplique du tribunal a été positive, mais assortie toutefois d'un «C'est le dernier délai accordé.» Les douze employés mis en cause, qui comparaissaient libres, devront donc revisiter la barre pour la troisième fois. Idem pour leurs anciens collègues de bureau ou de guichet - quelque 90 personnes - à cette différence que ceux-ci comparaîtront au pied de la tribune comme témoins. Il faut dire que pour une bonne partie d'eux, il s'en est fallu de l'épaisseur d'un cheveu pour se retrouver de l'autre bout de la barre, eux qui oscillaient entre «mis en cause» et «non-lieu» au fil de la procédure. Enfin, la 3e catégorie, une dizaine, prend son mal en patience en attendant le verdict de la Cour suprême quant à leur pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre d'accusation ayant annulé les ordonnances de non-lieu du juge d'instruction. La genèse de l'affaire remonte au 19 décembre 2009, lorsque la direction de l'unité opérationnelle d'Oran de AT reçoit une correspondance du directeur de l'Actel «Abane Ramdane», agence commerciale située à Front de mer et qui fait office de centrale de comptabilité, faisant état d'un manque à gagner de 556.589 DA dans la comptabilité relative à la journée du 9 août 2005 (soit cinq années auparavant), écart mis en évidence par la différence entre la pièce comptable dite dans le jargon interne «A-37» et la quittance de payement émise par la recette principale RP (la Grande Poste, sise au centre-ville).

 Aucune trace de cette A-37, censée être au niveau de la RP, ne sera trouvée. L'inspection détectera par la suite une autre anomalie similaire pour la journée du 10 août 2005, avec cette fois-ci un trou de 667.151 DA. Dans les deux cas, des ratures, des biffures et des rajouts au stylo seront relevés. Un audit est établi. Aucun agent intervenant dans le circuit n'échappe au questionnaire? ni au soupçon.

 Les auditeurs voulaient savoir par quel artifice a-t-on pu piquer 1.223.741 DA de la tirelire. L'inspection est sanctionnée par un rapport qui sera joint à la plainte déposée auprès de la BEF du commissariat central d'Oran pour détournement de fonds et falsification de documents comptables contre une liste nominative de fonctionnaires de l'Actel Abane Ramdane et de la RP. Au total, 101 entre agents de comptabilité et de saisie ainsi que des abonnés «complices» passeront tour à tour dans les locaux de la BEF puis au bureau du juge d'instruction de la 9e chambre du tribunal d'Oran. Un non-lieu sera prononcé contre les mis en cause en bloc. Dossier classé ? Non, la chambre d'accusation a un tout autre avis. L'affaire est relancée, des non-lieux sautent, un autre juge d'instruction (la 6e chambre) prend le relais. Et, surtout, un expert-comptable est désigné. Ce commissaire aux comptes va bien au-delà des deux journées signalées, il balaye la comptabilité de tout l'exercice 2005, en puisant ses informations dans les registres d'AT.

Il clôt son rapport très concis avec deux conclusions: un préjudice se chiffrant à 56.762.226 DA et des parts de responsabilités visualisées par un graphique rond divisé en secteurs par taux en pourcentages. Les avocats des 101 employés, suspendus à ce jour, y compris ceux ayant bénéficié d'un non-lieu, battent en brèche cette expertise, en lui reprochant plusieurs griefs: «Quel est le procédé adopté pour éplucher la comptabilité ? Quelles sont les sources d'information exploitées ? Pourquoi limiter l'investigation au seul dernier maillon de la saisie et de la comptabilité et passer outre les autres anneaux de la chaîne ??», autant d'interrogations posées par la défense avant la tenue du procès.