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Les Pays-Bas trente-deux ans après, l'Uruguay avec les honneurs

par Adjal Lahouari

Le premier finaliste est connu. Il s'agit des Pays-Bas. Depuis quatre décennies le jeu des Oranje fait le bonheur des puristes, ceux qui pensent que l'objectif originel du football, c'est d'attaquer. C'est ce pays qui a sorti le «football total» sous l'égide de Rinus Michels, lequel, on s'en souvient, a réfuté cette appellation, l'imputant aux médias. Il a toujours préféré le qualificatif de «football de harcèlement» où un ou plusieurs de ses protégés mettaient la pression sur les joueurs adverses, et notamment sur le porteur du ballon. Nul n'oubliera le fameux Ajax d'Amsterdam du début de la décennie 70 qui a donné jusqu'à? dix pensionnaires à l'équipe nationale des Pays-Bas. Johan Cruyff était la perle de cette superbe couronne qui a enchanté les amateurs de ce véritable «football de la liberté technique». Cette philosophie de jeu est restée ancrée en Hollande et beaucoup s'en ont inspiré, notamment l'actuel FC Barcelone et l'équipe d'Espagne. La sélection qui s'est qualifiée pour la finale du Mondial 2010 a gardé la même ligne caractéristique à quelques variantes près, sous l'influence de ses derniers sélectionneurs.

 L'échec de l'Euro 2008 a été durement ressenti sous l'ère Van Basten. Son successeur, Bert Van Marwik, a conservé la même disposition tactique de base en 4-2-3-1, donnant la priorité à l'occupation du terrain, même si l'attaquant de pointe, Van Persie, est le plus souvent isolé au départ des mouvements offensifs. Mais, au final, on retrouve souvent cinq et même six joueurs à l'assaut des bois adverses. On a toujours reproché aux Hollandais de vouloir trop attaquer. Il est vrai que cette méthode, lorsqu'elle n'est pas appliquée avec discernement, s'est parfois retournée contre eux, comme ce fut le cas lors de l'Euro 2008, où ils furent sortis par la Russie, au style plus réaliste.

 Des leçons ont été tirées et le coach Van Marwik dès sa nomination au mois de juillet 2008, s'est attelé à apporter les correctifs nécessaires. Le premier résultat ne s'est pas fait attendre avec cette qualification avec l'art et la manière du groupe 9 enlevée par les partenaires du capitaine Van Bronckhorst, avec huit victoires sur les huit matches, 17 buts marqués pour deux encaissés seulement. Les journalistes et consultants sur place en Afrique du Sud, tout en louant la richesse du secteur offensif où les places sont très chères, continuent à émettre des réserves à propos de la défense jugée peu rassurante. Or, les chiffres battent en brèche cette version. D'abord, au terme des éliminatoires, cette défense n'a encaissé que deux buts. Ensuite, et au cours des cinq rencontres avant le match de mardi soir elle n'a concédé que deux buts. L'analyse des deux buts inscrits par les Uruguayens a tendance à ?dédouaner? ce secteur. Certes, le but de Forlan est superbe, mais c'est parce que le gardien Stekelenburg était trop avancé. Quant au second, hors surface, la réussite y est pour beaucoup, le keeper batave ayant été gêné par ses propres coéquipiers. Pris individuellement, les quatre défenseurs ne sont guère impressionnants, mais ce sont leurs automatismes et leur sang-froid qui constituent leurs principaux arguments.

Au terme d'une minutieuse analyse, les statistiques ont constaté que les Hollandais ont été, lors des éliminatoires, les rois du tacle, avec le pourcentage le plus élevé de la zone Europe: 86%! D'autre part et comme ce fut le cas face à l'Uruguay, la plupart des buts inscrits sont issus du jeu et non de balles arrêtées «credo» de certaines de formations en panne d'inspiration. D'ailleurs, le keeper Msulera a été très souvent sollicité ainsi que ses partenaires. La possession de la balle par les Bataves a fini par user les joueurs de la Céleste, dont le jeu comportait trop de déchets techniques. La volonté et la rage de vaincre sont souvent très louables, mais elles ne suffisent pas à masquer les insuffisances. Ceci dit, il faut reconnaître que les coéquipiers de Forlan se sont battus de toutes leurs forces. A ce propos, on se demande s'ils avaient récupéré des grands efforts fournis lors du débat contre le Ghana.

 Cependant leur mérite n'est pas mince. Arriver en demi-finale alors que tous les boomakers avaient misé plutôt sur le Brésil et l'Argentine est un exploit authentique pour ce petit pays, sur le plan de la démographie, mais un grand pays du football, un sport que tous les enfants pratiquent dès leur plus tendre enfance. Avec des résultats que l'on sait. Certes, excepté quelques stars tels Forlan et Suarez, le niveau technique n'égale pas celui des équipes de premier plan mais les Uruguayens ont d'autres atouts, tels l'esprit de groupe, l'amour du maillot, avec un jeu reposant sur un pressing constant et des raids en contres. Ce qui explique la présence de la Céleste à ce stade du Mondial alors que beaucoup d'équipes, mieux nanties en individualités de marque, sont rentrées à la maison. Cette fois, les hommes d'Oscar Tabarez avaient en face une formation au jeu collectif plus affirmé et c'est ce qui a fait la différence. Ces Hollandais au jeu bien léché, il faudra aller les chercher dimanche prochain?