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Afrique de l'Ouest : la famine se profile

par Kharroubi Habib

Selon les experts du Programme alimentaire mondial (PAM), l'Afrique de l'Ouest est aux portes d'un désastre humanitaire de l'ampleur de celui dont l'Ethiopie avait été frappée en 1984. Dix millions de personnes sont menacées dans cette région, selon les prévisions de l'organisme onusien. En première ligne, ce sont les populations du Tchad et du Niger qui seront les plus durement affectées, mais le fléau devrait aussi gagner certaines régions du Mali, du Nigeria, du Burkina Faso. Les causes de la catastrophe annoncée sont classiques : faibles pluies, mauvaises récoltes, cheptel abattu et une période de soudure rendue dramatique par le manque de réserves dont disposent les populations et les Etats touchés.

 Pour les experts, en plus de ces causes, il y a aussi eu un enchaînement d'autres venues aggraver la situation. D'abord celles liées à la crise mondiale. Celle-ci s'est traduite par une forte hausse des produits alimentaires sur les marchés internationaux, qui a, rappelons-le, provoqué des «émeutes de la faim» dans plusieurs pays.

 Et alors que la famine guette ces populations de l'Ouest africain, le cours des produits alimentaires de base est encore reparti à la hausse sous l'effet de spéculations massives sur les places boursières mondiales, que la FAO a dénoncées dans l'indifférence de ceux qui en profitent. Ce à quoi il faut ajouter que malgré les signaux d'alarme sur la situation humanitaire en voie de dégradation pour les populations africaines émis tôt par le PAM, la FAO et des ONG humanitaires, la communauté internationale, celle des puissances riches, ne s'est guère émue et encore moins mobilisée pour apporter à ces populations l'aide multiforme susceptible d'empêcher la situation de famine dont elles sont menacées.

 Des promesses, l'Afrique en a été surabreuvée par l'ONU, le G8, le G20 et tous ses «amis» Etats riches de la planète. Aucune n'a été tenue et le continent continue à en être bercé, alors que la famine pointe pour des millions de ses habitants.

 Pour sauver le système financier mondial, qui a aussi une grande part de responsabilité dans cette «fatalité» dont souffre l'Afrique, des milliers de milliards de dollars ont été mobilisés. Mais les quelques milliards de dollars qui permettraient de mettre ces populations africaines à l'abri de la famine ravageuse ne l'ont pas été.

 En disant cela, nous ne voulons pas exonérer les dirigeants africains de leur responsabilité dans le drame qui se profile pour leurs peuples. Elles sont écrasantes, et il faudrait leur en demander compte. L'urgent est que la communauté internationale se départît de son indifférence et n'attende pas que la famine, dont les effets ont commencé, fasse une hécatombe, après laquelle seulement elle plaidera pour l'intervention humanitaire.

 Les experts sont catégoriques : il est encore possible d'éviter à l'Afrique de l'Ouest une catastrophe du type de celle de l'Ethiopie en 1984. Mais il faut faire vite. Ce à quoi ne sont malheureusement pas disposés les Etats donateurs potentiels, enfermés dans leurs égoïsmes nationaux, auxquels ils donnent la fallacieuse légitimité de prise en compte des problèmes dans lesquels ils se débattent en conséquence de la crise financière et économique mondiale.