L'idée est à
priori séduisante : comment maintenir Rabah Saâdane à son poste de
sélectionneur, tout en apportant les correctifs nécessaires pour améliorer son
travail ? Tous les initiés du football gravitant autour de la FAF tentent de
résoudre cette équation, et avancent les combinaisons les plus savantes, mais
parfois les plus farfelues, pour y arriver. Cette solution repose sur une série
de postulats. Le premier serait que le maintien de Rabah Saâdane au poste de
sélectionneur reste la meilleure option pour l'équipe nationale. Cela suppose
que son bilan est considéré comme positif, et qu'aucun entraîneur algérien ne
fait, pour le moment, consensus pour le remplacer. L'idée de l'entraîneur
étranger est, quant à elle, exclue. Le second postulat voudrait que Saâdane
soit un bon entraîneur, mais défaillant sur certains volets, qu'il faut
combler. Les tenants de cette thèse appellent donc à renforcer le staff
technique, à apporter du sang neuf, à mettre de nouvelles compétences au
service de l'équipe nationale. Saâdane a besoin d'être recadré, avec une
feuille de route précise. Comme on le voit, les formules sont belles,
nombreuses et variées. Elles ont pourtant toutes une seule finalité: mettre
Rabah Saâdane sous tutelle. C'est le véritable objectif poursuivi par tout le
personnel qui prône cette formule. Il y a ceux qui veulent se placer à ses
côtés, ceux qui veulent placer leurs amis ou les hommes de leurs clans, qu'il
s'agisse de l'encadrement de l'équipe ou même des joueurs. Il y en a même qui
proposent à Saâdane de rester, mais à condition de changer son staff technique
et médical. Ils veulent l'encadrer, ou plutôt l'encercler, de telle manière
qu'il ne pourra jamais décider selon ses critères et ses convictions, à lui.
Car personne n'envisage de laisser à l'entraîneur de l'équipe nationale, la
possibilité de poursuivre son travail selon ses propres choix. Tout ceci manque
terriblement de transparence. La confusion est délibérément entretenue pour
éviter un choix transparent, basé sur des éléments d'évaluation rationnels, en
partant de deux questions essentielles: Saâdane a-t-il atteint les objectifs
fixés ? Et quel est le plan de travail pour les quatre prochaines années ?
Concernant les objectifs passés de Saâdane, la réponse semble évidente. Il a
atteint, et même dépassé, ses objectifs. Cela peut paraître comme une réponse
manquant d'ambition, mais un contrat est un contrat. Et celui de Saâdane visait
à qualifier l'équipe nationale pour la phase finale de la Coupe d'Afrique des
Nations. Il l'a fait. Si l'objectif était trop modeste, ce n'est pas à lui
qu'il faut en vouloir. Quant aux objectifs des quatre prochaines années, ils
devraient concerner deux volets essentiels. D'une part, viser une qualification
à la phase finale de la Coupe du monde, pour faire de l'équipe nationale un
habitué de ces rendez-vous, tout en réalisant au Brésil un résultat meilleur
que celui atteint en Afrique du Sud. D'autre part, il faudra, dans
l'intervalle, qualifier l'équipe nationale à la phase finale de la Coupe
d'Afrique des Nations, et tenter d'aller en demi-finales. Saâdane a-t-il
l'énergie, l'envie et la compétence pour atteindre ces objectifs ? Est-il le
mieux placé pour y arriver ? Comment réaliser ces objectifs tout en assurant la
mutation du football algérien vers le professionnalisme ? Et, cerise sur le
gâteau, l'équipe nationale qui ira à la prochaine Coupe du monde aura-t-elle
dans ses rangs des joueurs formés en Algérie, même s'ils jouent ailleurs ?
Saâdane n'a pas répondu à ces questions. Peut-être simplement parce qu'on ne
les lui a pas posées, car les gens cherchent d'abord le moyen de mettre Saâdane
sous tutelle. Ils déploient des tonnes d'énergie pour trouver la bonne formule.
Et quand ils auront trouvé, ils seront surpris: Saâdane adore les tutelles.
Mohamed Raouraoua le sait depuis longtemps.