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Restrictions pour les enseignants universitaires: Une dérive scientifique, selon le CNES

par Yazid Alilat

Le passage obligé dorénavant par le ministère aux enseignants-chercheurs qui veulent participer à titre personnel ou représentant leurs universités à des colloques et des séminaires à l'étranger a été assimilé à une «dérive scientifique» par le CNES.

Dans une déclaration rendue publique le 25 juin, le bureau national du syndicat des enseignants indique que «le CNES regrette l'intronisation de la mesure restrictive de participation aux congrès à l'étranger, qui ne peut être considérée que pénalisante». Elle «porte atteinte à toute la communauté universitaire et (n'arrangeant) guère la promotion de la recherche scientifique en Algérie», relève la déclaration, qui précise que le CNES «ne veut absolument pas être associé à cette dérive scientifique qui va à l'encontre de la promulgation du statut particulier de l'enseignant-chercheur et de la loi sur la recherche». En fait, le CNES estime que, comparativement à la situation actuelle en matière de participation de chercheurs et d'enseignants algériens à des colloques ou rencontres scientifiques à l'étranger, «la restriction (?) est déjà là : le fait qu'un chercheur algérien ne peut participer à plus d'un congrès annuellement à l'étranger au vu des insuffisances budgétaires allouées à ce genre de manifestation, en plus d'une gestion chaotique et confuse de ce dossier».

 En outre, la déclaration du bureau national du CNES relève qu'il «serait vraiment malhonnête de qualifier tous les enseignants-chercheurs partant à l'étranger dans ce cadre de faire du tourisme ou autres activités. Certes, il y a peut être une minorité qui altère l'image de marque de l'université algérienne par des participations qui suscitent des interrogations, mais en contrepartie, il y a une majorité qui honore dignement ses engagements».

 La note G28/SG du Secrétariat général aux établissements d'Enseignement supérieur et de recherche, datée du 18 mai dernier, dont Le Quotidien d'Oran a eu une copie, reproche aux enseignants universitaires et aux chercheurs leur liberté d'initiative, ou du moins les excès qui auraient été constatés dans l'exercice de cette liberté. Ses rédacteurs font comprendre que celle-ci s'arrête là où commencent «les intérêts nationaux» et la «cohérence de l'action internationale de l'Etat et de ses activités diplomatiques». La note, qualifiée de «sévère» par des enseignants-chercheurs, souligne que la participation de chercheurs algériens à des forums étrangers «sans avoir pris le soin et la précaution de recueillir l'accord préalable du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique» n'est plus tolérée. Cette note de cinq pages annonce que cette «pratique doit être annihilée définitivement». Il en est ainsi que «la participation à des conférences ou colloques organisés à l'étranger, pouvant représenter un caractère sensible pour la politique étrangère du pays ou pour des intérêts nationaux, est subordonnée à l'accord préalable du ministère, qui se prononcera sur l'opportunité de la participation lorsque les dits évènements revêtent une sensibilité évidente».

 Pour le CNES, «indubitablement, il faut mettre des garde-fous quant à l'attribution de participation aux conférences en se basant exclusivement sur des critères purement scientifiques, en conciliant ainsi la rigueur et l'épanouissement loin de toute politique régressive et de démarche de confinement scientifique», ajoutant que «s'il y a des dérapages, ils sont en grande majorité dus à la complicité de l'administration qui tolère des participations nébuleuses».

 D'autre part, la note du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique soumet à «l'appréciation du ministère l'invitation (de chercheurs ou enseignants universitaires) aux réceptions organisées au niveau des représentations étrangères en Algérie en qualité de représentant officiel d'institution». Le CNES estime ainsi que «la tutelle, au lieu de s'occuper du problème du régime indemnitaire, considéré comme le dossier le plus sensible et d'actualité, dont la promulgation pourrait sans aucun doute améliorer les conditions socioprofessionnelles de l'enseignant-chercheur, opte paradoxalement pour une démarche unilatérale, sournoise et hasardeuse et qui s'apparente à une véritable stratégie d'isolement et de marginalisation de notre syndicat». «Ce dossier inquiète sérieusement les enseignants-chercheurs quant au retard de sa finalisation et de sa promulgation», ajoute le bureau national du CNES, qui annonce que «toutes ces questions seront à l'ordre du jour de la session du Conseil national prévue les 29 et 30 juin 2010 pour adopter les actions nécessaires pour faire aboutir nos justes et légitimes revendications».