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Les grands transferts d'eau à l'est du pays: A la rescousse de l'agriculture

par G. O.

«C'est un projet extrêmement important, un système très compliqué, irriguer 40.000 h de terres agricoles, ce n'est pas de la rigolade.»

On est lundi, il est presque 11h mais il fait déjà très chaud à Sétif. Le cortège officiel se dirige vers le premier point que doit inspecter le ministre des Ressources en eau. Heureusement que les voitures sont neuves et climatisées. Les projets lancés profiteront aux hautes plaines sétifiennes. De grands transferts d'eau sont en cours de réalisation pour transférer 310 millions m3 par an pour couvrir les besoins en AEP de 1.400.000 habitants (620.000 à Sétif et 780.000 à El-Eulma) et irriguer 40.000 h de terres agricoles. «Ce n'est pas de la rigolade », estime le ministre des Ressources en eau.

Sur le tronçon Texanna - Draa Eddis, il est procédé à la réalisation de 5 stations de pompage dont les équipements ont été importés de Belgique. Les conduites en acier pour les transferts d'eau l'ont été de Turquie. Un des projets est réalisé par une société mixte algéro-égyptienne et le second par des Chinois. Les études ont été faites par un bureau français. La réalisation de ces projets «extrêmement importants et très compliqués» se fera sur 33 mois. «D'ici à 2012», dira le chef de projet au ministre.

A Tabellout, à l'est de Sétif, le ministre s'est enquis des conséquences d'un affaissement de terrain. «Le problème de la faille, nous l'avons réglé», rassure le chef de projet. Le barrage Mahouane est en construction à 8 km au nord-est de Sétif. C'est le réservoir intermédiaire du système ouest du projet de transfert. «Pressez-les, il faut que le travail se termine», lance Sellal. Il lui est posé alors le problème de la déviation de la route. «Faites une consultation restreinte entre les entreprises existantes sur le terrain», recommande-t-il. En plus des entreprises étrangères, il y a l'algérienne Cosider. «Il faut que vous terminez les déviations des routes avant l'arrivée de l'hiver, comme ça vous n'aurez pas de problèmes», leur précise-t-il. Un problème particulier, celui-ci, le relogement des 58 familles délogées pour raison «d'utilité publique» de l'espace où elles habitaient.



«Les Chinois sont les moins chers»



Le chef de projet explique au ministre qu'il a été procédé à l'identification de trois lots de logements mais l'appel d'offres pour leur construction s'est avéré infructueux. «Faites une consultation avec deux ou trois entreprises», recommande encore le ministre. «Attention pour les travaux, je compte sur vous ! Les travaux c'est les travaux !», dit Sellal à l'adresse du chef d'équipe chinois. Et si les Chinois semblent faire «l'affaire» des Algériens en matière de réalisations de programmes, c'est parce que, dit le ministre, «ce sont les moins chers et ont les meilleurs délais ».

On se dirige vers Beni Azziz empruntant Aïn Essabt, toujours vers l'est de Sétif. L'on nous fait remarquer lors de notre passage au niveau de Oued Maâïza que les inondations dans la région ont provoqué la destruction d'un pont construit il y a près de 8 ans à peine. «Heureusement que celui construit dans les années 30 a tenu le coup», nous dit un habitant de Sétif. Le transfert des eaux de Tabellout vers Draa Eddis se fera à cheval sur les wilayas de Sétif et Jijel. Transfert qui atteindra un volume de 189 millions m3 au profit d'El-Eulma dont 39 millions/an pour l'AEP et 150 m3/an pour l'irrigation. Pour ce faire, l'eau sera transférée à partir du barrage d'Irraguen à travers des conduites qui ont déjà été posées sur 38 km. «Ne reste que 4 km à faire», dit le chef de projet au ministre. Ce projet sera réalisé un peu avant celui de Tabellout, c'est-à-dire en avril 2011. Mais, explique le responsable des projets, «comme je dois avoir de l'eau d'abord dans Tabellout, il faut attendre ».

Sur le site de Aïn Djohra, le ministre sera interpellé par les familles qui traînent un problème d'expropriation depuis quelque temps. «Je vous ai vu à la télé, vous avez promis que nous serons indemnisés, on attend toujours, ils ne veulent pas le faire», se plaint un exproprié à Sellal en présence du wali et du maire de la commune.



«Embrasse le maire...»



L'on saura que les familles n'ont pour certaines d'entre elles pas d'acte domanial de propriété mais jouissaient juste d'un droit coutumier. «Ils n'ont pas voulu m'indemniser parce qu'ils ont dit que j'habite en France, je n'y ai pas droit mais c'est la terre de mes enfants», explique un habitant du quartier. «Embrasse le maire, ça va se régler. Combien tu veux d'argent, je peux t'en donner», lui demande le ministre en sortant une liasse de billets (de 200 DA) de sa poche. Sellal, comme d'habitude, a réussi à faire rire tout le monde.

Tout au long de ces visites sur site, nous entendrons des Sétifiens se plaindre de la qualité de l'eau qu'ils reçoivent dans leurs robinets. «Il est impossible de la boire, mettez-la dans une bouteille, vous allez voir au bout de quelques minutes des dépôts repoussants», nous dit-on. Les Sétifiens disent boire de l'eau des puits ou de celle de Aïn El-Fouara. L'eau minérale n'est pas permise «quand on a 5 ou 6 enfants, ça coûte cher». Une petite partie de la ville est alimentée par l'eau du barrage de Aïn Zada qui provient de Oued El-Barad. «Celle-là, elle est pure», rassure-t-on.

La construction du barrage de Draa Eddis à partir de l'oued Medjez à 11,5 km au nord-est d'El-Eulma rencontre quelques problèmes. Dans la commune de Tachouda, certaines familles ne veulent pas céder leurs terres. «Mais vous pouvez avancer, j'insiste sur les délais», tranche Sellal. Les Chinois lui feront savoir qu'au fur et à mesure que les travaux avancent, il sera fait appel à plus de travailleurs algériens et chinois. «On ne peut pas vous en donnez beaucoup, parce qu'avec vous, on ne sait jamais», lâche le ministre à l'adresse du chef chinois des travaux. Il parlait des explosifs dont les équipes ont besoin sur le terrain. Sellal l'interroge aussi sur la qualité des équipements.



Du Rfiss et du Raïb à Sétif



«Il faut que ça soit neuf et pas Taiwan, attention !», lui dit-il. «Non, non pas Taiwan», lui répond le Chinois avec un rire éclatant. «Je compte sur vous pour améliorer le rendement. Il ne faut pas diminuer de la cadence du travail, travaillez H 24 même en hiver», lui conseille Sellal. «Si le chef du projet nous le permet», lui répond le Chinois. «C'est un ordre qui vous est donné», lui rétorque Sellal. Avant de partir, le ministre ne manquera pas de lancer une de ses boutades comme «ne mangez pas tous les ânes de la région, il faut manger les moutons».

Nous sommes à Mazer, cette Mitidja du nord que les Sétifiens appellent numéro 5 «parce qu'elle est loin d'El-Eulma de 5 km». Le ministre visite une station d'épuration pour l'équivalent de 36 000 m3. Des eaux qui serviront le secteur agricole. S'il se dit satisfait de la qualité du travail, le ministre ne l'est pas pour ce qui est des délais de réalisation qui n'ont pas été respectés. En fin d'après-midi, il fera une escale dans un laboratoire d'analyses des eaux, situé dans le quartier des 1006 logements à Sétif. D'une modernité absolue, ce laboratoire est de gabarit régional à l'instar de trois autres qui existent à Chlef, Ouargla et Sidi Bel-Abbès. Le laboratoire régional d'Alger sera lui opérationnel très prochainement. La mission première de ces quatre laboratoires, le contrôle de la qualité des eaux par des analyses bactériologiques et d'autres physico-chimiques et la lutte contre les maladies à transmission hydrique. A l'entrée du laboratoire régional de Sétif qu'on dit construit par les ouvriers de l'ADE, une grande banderole est accrochée avec la photo de Sellal et ce slogan «la stratégie du ministre des Ressources en eau: saut qualitatif dans l'histoire du secteur des ressources en eau ». De quoi faire des jaloux ! Les responsables ont quand même pris le soin d'encadrer la banderole par deux autres encore plus grandes, celles du portrait du président de la République.

Il faisait certes très chaud à Sétif mais personne n'a trouvé de gêne à déguster un bon couscous au raisin sec et un succulent Rfiss, un plat sucré de la région accompagné d'un délicieux Raïb (petit lait). Au diable la chaleur et les kilos ! «En principe, je n'y ai pas droit mais je mange quand même», a dit le ministre au bout de la 4e cuillère de Rfiss.