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A propos de la dame qui voulait devenir ministre

par Amine Bouali

Cette histoire est véridique : il y a quelques jours, l'imam d'une mosquée d'une ville de l'intérieur de notre pays a confié à des fidèles quelque peu médusés, qui étaient rassemblés pour la prière du soir, qu'une dame lui avait rendu visite pour lui faire part de son inquiétude et solliciter son intercession spirituelle car «on lui avait promis un poste de ministre, mais cette promesse tardait à se concrétiser». L'imam est resté prudent, n'a pas précisé s'il s'était inquiété de savoir qui était ce «on» qui avait fait une telle promesse, s'il s'était assuré que tout cela se passait dans le meilleur des mondes. Il s'est contenté de faire remarquer qu'il avait demandé à la dame en question «d'être patiente et de s'en remettre à Dieu», comme on éconduit un personnage douteux qui vient inopportunément frapper à votre porte.

Pour notre part, cette vraie anecdote nous inspire quelques rapides observations (prudentes également) : d'abord, et si on pose le postulat que cette dame possède toute sa raison (ce qui n'est pas sûr !) elle a dû imaginer, lasse d'attendre la promotion espérée et voyant ses ambitions compromises, qu'une prière d'un imam pouvait contribuer, après tout, à contrecarrer d'éventuelles réticences. C'est possible ! Des mauvaises langues se demandent parfois si certains de nos responsables sont nommés uniquement sur des critères rationnels !

Ensuite, et sur le fond, cette dame a tout à fait le droit de vouloir exercer une haute responsabilité, accéder à un poste important, devenir chef de quelque chose.

Le tout est de savoir si elle en a les capacités et si elle va utiliser à bon escient son autorité. Ce qui est gênant dans son cas, c'est qu'elle donne l'impression de courir derrière un titre plutôt que de vouloir assumer une mission, d'être volontaire pour profiter des avantages d'un poste plutôt que d'être prête à en endosser la charge qui peut être très lourde. Avant de rêver d'être des ministres, essayons d'abord d'être des citoyens !

Enfin, et puisqu'il faut bien trouver une conclusion à ce petit billet inspiré par la dame inconnue qui veut siéger au gouvernement, suggérons-lui gentiment, si jamais son entrevue avec l'imam s'avérait infructueuse (ce dernier n'est pas revenu depuis sur «l'affaire»), soit d'utiliser les grands moyens et d'envisager carrément un pèlerinage aux Lieux saints pour tenter de parvenir à son but. Soit, de manière plus sage, si elle veut être utile aux siens, d'essayer de faire son possible, à son échelle, même modeste, pour que les choses aillent chaque jour un peu mieux, pour contribuer à construire, pour garder vivante l'espérance, ne serait-ce que par un geste, ne serait-ce que par un mot, ne serait-ce que par un vœu. Cela est aussi méritoire et héroïque, croyez-nous, que d'être ministre !