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Un roitelet, un pesant fardeau

par El-Houari Dilmi

L'on s'était presque habitué au scénario de la provoc chez nos voisins de l'Ouest. Mais c'est la première fois que le Makhzen va aussi loin, ôtant la vie à trois de nos compatriotes. Plus qu'un outrage aux règles de bon voisinage. Ici, retour sur l'histoire d'un roitelet hypocondriaque, obsédé par la perspective macabre de perdre une bonne partie de ses sujets, menacés par un mal mystérieux. Trahi par ses vizirs aplaventristes, le petit mikado est arraché à son sommeil pour être informé tout de go que la moitié des habitants de son trône « vendu » était passée de l'autre côté de la Raison, après avoir consommé du pain vénéneux, acheté de chez le seul boulanger de la cité en perdition. Pis encore, leur folie proviendrait d'un gène si terrible que sa capacité de contagion a de quoi décimer le royaume entier, en quelques heures seulement. Alors, que proposer à la petite couronne de la cité, morte d'effroi à l'idée de perdre plus de la moitié de ses sujets, tous devenus des barjos. Les vizirs aplaventristes, mus par une envie irrépressible de «liquider» le sénile petit monarque et ses débilités avec lui, croient avoir trouvé l'idée machiavélique d'empoisonner l'autre moitié du royaume, histoire d'offrir à son crypto-altesse tourmentée, chassée de son trône piégé, un peuple de rechange, si possible sain, docile et travailleur. Passant toutes ses nuits à supplier les dieux «assoupis», le roitelet, pour éviter à ses pauvres sujets un pogrom à la Pol Pot, une autre idée plus démente lui vient à l'esprit, et avec elle, la solution radicale et sans appel de sauver la peau à son royaume décrépit d'une «extermination» ourdie par ceux-là mêmes censés le délivrer d'un naufrage annoncé. Agglutiné autour de ses vizirs interlopes, le roitelet demande, sur le champ, un trognon de pain empoisonné. La scène psychédélique se passe sous un regard de macchabée de ses faux serviteurs.

Se goinfrant à pleines bouchées, à l'origine de toutes les folies, le petit roi repu, contraint, sous la menace d'une arme en caoutchouc, ses ministres en plastique d'en prendre un quignon chacun, l'un après l'autre. Se gavant tous à la graine de folie, le royaume recouvra son sourire éclatant, et ses occupants une vie des plus placides. Au point que toute la cité mourut d'un fou rire. La folle histoire ne dira pas si le petit roi a passé par les armes ceux qui ont enfourché le grand peuple, pour monter sur leurs petits instincts plus bas que leurs chevilles?