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L'intelligentsia nationale, cette mal-aimée !

par Belkacem Ahcene-Djaballah

C'est devenu une critique si généralisée qu'elle en est devenue banale et, étonnamment admise par tous et ce sans protestation, même par les concernés. L'âge ? La fatigue ? Une forme de démission ? Il est vrai qu'à défaut d'entreprendre des analyses scientifiques approfondies et rigoureuses, et sacrifiant aux facilités des discours de «café de commerce», à Alger ou à Saint-Germain des Près, et aux sollicitations journalistiques toujours pressantes, tout un chacun peut (et a le droit, n'est-ce pas ?) «critiquer». Tout le monde passe à la moulinette : l'intellectuel, le scientifique, le journaliste, le prof', l'étudiant, l'écrivain, l'imam. Bref, tous ceux qui pensent, s'expriment, écrivent?

Donc, quel que soit le secteur ou la profession «discutée» (sic !), on aboutit presque toujours aux mêmes conclusions qui s'en iront assez vite s'ériger en verdicts indiscutés, donc indiscutables. Personne ne trouve grâce face aux yeux et aux langues vipérines. Pour eux, «tous des Nuls !». Tous sont incapables, tous sont incompétents, tous «se sont constitués à l'ombre de l' Etat, des bénéfices de l'Etat et tous portent l'empreinte étatique», ceci dit pour emprunter à une déclaration récente d'un de nos plus brillants chercheurs en Histoire, habitant depuis des décennies à l'étranger après avoir participé , au début de l'Indépendance, à la mise en place , en plus pire, de ce fameux «Etat». Il parlait alors de l'Intelligentsia nationale (Algérienne !)

Un verdict plus qu'un diagnostic assez sévère qui laisse peu de place à une possible proche rédemption, d'autant que le «hirak», mouvement populaire qui pensait que «la politique, c'est obtenir des résultats tout de suite», étant donné les diverses manipulations, pressions externes et autres agitations internes, n'a pas encore enfanté la société libre, celle faiseuse de pensées nouvelles et avant-gardistes, et responsable tant rêvée.

Bien sûr, l'intelligentsia au sens germanopratin n'existe pas encore chez nous. Encore faut-il croire que nous y soyons attachés comme d'ailleurs pour celle au sens cairote ou damascène ou beyrouthienne ou bagdadienne comme d'ailleurs pour celles nouvelles au sens londonienne ou montréalaise ou newyorkaise. C'est vrai, elle n'existe pas telle qu'on se l'imagine ailleurs mais, tout en cherchant à se défaire (comme d'autres groupes) du lien étatiste, elle tente, difficilement certes, à se créer sa propre personnalité. Algérienne seulement ! Déjà on en voit les prémisses, à travers ses activités, mais aussi à travers ses écrits, ses articles, ses études, ses interventions tranquilles ou colériques ou, parfois, charlatanesques? Mais l'entend-on, la laisse-t-on s'exprimer et produire librement, la lit-on, la voit-on ? Il est vrai que pour ce faire, il faut être «dedans» et non «dehors» à côté et non contre avec un esprit critique et non «de critique».