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«Ila fetek elklem»

par Hamid Dahmani

Nous avons de la chance de posséder un terroir très riche dans son contenant patrimonial inspirant. Son capital linguistique est chargé de morale et débordant de sagesse pour ceux qui savent l'apprécier. Aussi, parler et manger ont une mesure dans la vie de l'être humain pour subsister. Et les plus habiles d'entre nous ne sont pas trop distraits et suivent avec attention ce qui se dit autour d'eux quand ils sont en pleine discussion assis autour d'une table. Aussi à ce sujet, il y a un dicton populaire hérité des anciens qui s'adresse aux pensifs et qui dit : ?Ila fetek elklem, goul smâte, wa ila fetek t'âam, goule ch'baâte? (si tu rates des mots, dis que tu as entendu, et si tu as loupé le repas, dit que tu es rassasié) pour signifier qu'on ne va pas revenir sur ce qui a été dit. Une formule qui interpelle les étourdis et les rêveurs pour leur indiquer que la discussion est close et que les couverts ont été rangés pour ceux qui ont l'esprit qui voyage. Les gens précautionneux savent écouter quand les plus sages parlent. Et par pudeur, les plus respectueux mangent quand les autres convives commencent à manger. Pour ne pas froisser les pairs, quand on est en leur compagnie, il faut susciter notre intérêt à la discussion ou à la nourriture partagée. La moralité « ila fetek elklem », si tu rates des propos, soit correct, et réponds que tu as bien entendu pour ne pas paraître aux yeux des présents un inattentif. Et si tu arrives en retard à une table, alors que les couverts ont été rangés après le repas, dis que tu es rassasié pour ne pas gêner tes hôtes, « ila fetek etâam goul ch'baâte ».

Cette juste réflexion est employée à l'attention des arrogants qui affichent leur indifférence à la parole pertinente. Et il faut toujours chasser les pensées qui troublent et absorbent l'esprit et ne pas rester solitaire avec sa tête quand on est compagnie des autres. Lorsque le temps ne joue pas en notre faveur et que la dernière louche de soupe a été servie aux présents en notre absence, il faut savoir répondre gentiment, même à contrecœur « ch'bâte ! » (Merci je suis repu). Le temps passe, les paroles aussi et les expressions proverbiales continuent à enrichir le langage populaire de sagesse et de culture à ce jour. Les retardataires, les indifférents et les irrespectueux du temps sont visés par cette formule qui rappelle à l'ordre les irresponsables qui ont la tête plongée dans les nuages.