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Le compteur de la vie !

par Kamal Guerroua

Les années passent, chacune avec ses goûts, chacune avec ses rêves et ses illusions ! Le temps marche vite et l'horloge n'a plus aucun pouvoir sur ses aiguilles, hélas ! Bref, le compteur de la vie, comme l'a écrit récemment un ami, ne chôme jamais, toujours en service ! Mais y a-t-il, pardi, quelqu'un qui peut arrêter le vent qui passe, à part son propre Créateur ? Personne ! « L'homme, me dit un vieux Parisien désenchanté, n'est rien devant le temps, et le temps est l'unique chose qui peut rattraper un homme, aussi beau, aussi riche, puissant ou intelligent soit-il, sur cette terre ! » Trop léger comme argument, lui répondis-je rigolard, mais n'en ayant cure, le vieux poursuit son raisonnement en m'expliquant que ce n'est qu'avec l'âge qu'il a compris, par exemple, le vrai sens de l'amour d'une mère à son fils, le sens du bonheur, l'importance de l'amitié, de la vie en commun, dans le giron de la même famille.

Souriant, il ajoute que, durant toute sa jeunesse, il était emporté par une dévorante passion, les voyages, mêlée d'une certaine fougue à jouir tel un épicurien grec de chaque seconde de son existence. Ayant parcouru, en touriste, toute l'Europe, une grande partie de l'Afrique et de l'Asie, il croyait vraiment avoir vécu son temps, avant de se rendre compte qu'il n'avait rien vécu du tout ! « Comment est-ce possible, le taquinai-je, curieux, tout ça et tu n'as pas vécu ? ». « Oui, j'avoue, contrairement au grand poète, que je n'ai pas vécu pour le simple fait que j'ai raté l'essentiel : le bonheur familial. Chaque fois que je m'endors, je me dis : «les voyages m'ont volé tout mon temps !» Cela paraîtrait, peut-être, bizarre pour le jeune que tu es, mais c'est très raisonnable pour le vieux que je suis ». « Tu veux dire que l'important pour toi, c'est seulement la famille ? ». « Pas que ça ! Mais aussi la terre de ses origines, ses proches, ses voisins, ses amis... Puis, tu sais, au terminus de la rame d'une vie, vient l'escale des grands bilans. Et à cette heure-là, on se rend compte, la mort dans l'âme, et cela même si on était orphelin de naissance, que rien ne vaut vraiment autant, sur la balance dans notre conscience, que le baiser d'une mère ou la brise caressante, par une journée printanière, dans le quartier où l'on a grandi, joué et partagé des tas de souvenirs...»