Toute la
force d'une société vient de son élite. Celle-ci sert, en principe, de base à
la construction de la nation et de ceinture de sécurité au peuple. Si le
défaitisme et le virus du fatalisme ravagent des pans entiers de la jeunesse,
c'est qu'il y a un malaise profond qui ronge le pays. Malgré toute la dynamique
insufflée par la révolution populaire en cours à un corps social longtemps
gagné par l'inertie, il n'en demeure pas moins que les Algériens ne voient pas
clairement le bout du tunnel. Les symptômes de la fatigue et du dégoût se
lisent sur les visages dans les universités, les hôpitaux, les rues, les cafés,
les marchés populaires. Les jeunes aspirent toujours à fuir en masse une
patrie, la leur, qui ne leur permet pas de concrétiser leurs projets de vie.
Que c'est triste de voir que le seul espoir qui reste à un jeune de vingt ans,
c'est de traverser la Méditerranée, en quête d'un avenir ! Que c'est triste de
voir des doctorants, des ingénieurs, des diplômés parmi les flots de harraga qui s'embarquent sur des zodiacs ! Nos officiels
sont invités à regarder tout ce gâchis, à partager la souffrance et le vécu des
siens, à agir en conséquence, dans le sens de la satisfaction des espérances de
leurs compatriotes ! On ressent bien que la volonté du changement de la base se
heurte aux résistances de ceux qui tiennent le gouvernail. A la traditionnelle
«légitimité révolutionnaire», portée à pleins bras par des faux héritiers d'une
vieille-garde nationaliste, lesquels se sentaient au-dessus de la mêlée, pour
emprunter la terminologie hégélienne, se superpose malheureusement aujourd'hui
une certaine «légitimité prétorienne», érigée en principe de conduite des
affaires d'Etat, par une grande muette, pourtant longtemps tenue à l'écart par
les adeptes du clan déchu de Bouteflika. Les aiguilles de l'horloge algérienne
ne savent plus, semble-t-il, à quelle direction se tourner, alors que le
peuple, complètement désabusé, demande de tourner la page et de passer à autre chose.
Cet «autre chose», c'est l'instauration d'un Etat civil dans le cadre d'une
démocratie exercée au sens strict du terme. Or, il est fort malheureux de
constater que certains essaient encore de falsifier le contenu de la
revendication populaire n°1, à savoir l'application des deux articles 7 et 8 de
la Constitution. Ce qui, au lieu d'améliorer notre situation, va l'empirer
davantage dans un contexte régional et international peu favorable à l'Algérie,
proie des enjeux géostratégiques globaux. La voie de la raison et de la sagesse
implique d'engager toutes les composantes de la société dans un dialogue
inclusif et transparent mené par des personnalités crédibles, ayant pour
objectif de faire aboutir une transition démocratique, dans une démarche algérienne
singulière bâtie sur le consensus. Au terminus, la mise sur pied d'une
Constituante sera la voie idéale pour une sortie effective de la crise
actuelle. Une Constituante qui tirera sa légitimité de la jonction des
synergies entre l'élite, le peuple et notre diaspora. Les jeunes de mon pays ne
sont pas des bras cassés ni des cerveaux vides rouillés par le fatalisme, mais
une force majeure qui devrait apporter sa pierre à l'édifice national, et c'est
justement cette Constituante-là qui leur donnera cette opportunité historique.
Osons donc le changement avec l'élite, le peuple et la jeunesse, le pari
gagnant de l'avenir !