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ACCUSER L'HIVER ET LES SAISONS

par Abdou BENABBOU

Avec l'arrivée du grand hiver, le monoxyde de carbone reprend son massacre. Plusieurs décès sont signalés ces derniers jours ici et là à travers tout le pays. Tout porte à croire que ce gaz n'a pas fini d'embraser des Algériens, emportant parfois des familles entières. Fait curieux, l'on n'a pas connaissance d'un tel désastre au sein d'autres pays pourtant bien mal lotis que l'Algérie.

La conscience nationale devrait s'arrêter devant ce qui ne relève pas du fait divers et s'imposer un recul pour une vision plus large de ce phénomène mortifère. Le gaz pour se chauffer ne serait que le petit artifice pour annihiler des vies et la cause du drame se situe dans une vaste et catastrophique prise en charge d'attributs pluriels censés participer et régler la vie quotidienne de toute la société. Ils vont du dos-d'âne, chichement nommé ralentisseur, au non-respect de la chaîne du froid en passant par un conglomérat démultiplié d'intervenants journaliers, prétendument aptes à corriger, réparer, réanimer des outils qui concourent à fluidifier une existence normale pour chaque citoyen. On se rend compte malheureusement que le manque de savoir-faire et l'incompétence sont si criards qu'ils infléchissent et dénaturent sérieusement ce qui est créé et inventé pour nouer avec la modernité. Il serait curieux d'évaluer en vie et en argent les conséquences du déphasage inquiétant entre le fait bâclé par l'ignorance et ce qui doit être entrepris dans les normes.

La tromperie réfléchie ou inconsciente est devenue la règle et s'est transformée en culture imparable n'autorisant aucun droit de cité à la bonne foi. Il est devenu acceptable qu'un faux plombier, un autoproclamé chauffagiste ou un fanfaronnant mécanicien s'investissent dans les interventions approximatives et dans l'exercice du taraudage sans se soucier des périls et des saignées financières qu'ils élaborent pour leurs concitoyens. S'ils provoquent des dégâts importants, contrairement aux remèdes que l'on attendait et pour lesquels ils étaient payés pour les amoindrir, et s'il y a mort d'homme, ils auront la parade de pointer un doigt pressant sur la mauvaise qualité du produit chinois.

Le comble est que les Algériens ont acquis l'art d'imposer leur conviction à défaut d'acquérir un savoir-faire.

De toutes les façons, on a tous le loisir d'accuser aussi l'hiver et les saisons quand on est victimes de nos sérieux déboires.