«Nul
n'a complètement tort, personne n'a tout à fait raison ! » En sport, cela
s'appelle décidément « match nul ». Dire qu'élire un président de la République
n'est pas nécessaire pour résoudre la crise actuelle est pour certains « peu
raisonnable » et affirmer qu'élire un président de la République par le biais
du même système, les mêmes têtes et, peut-être les mêmes méthodes qu'autrefois,
avec en toile de fond, la question des détenus d'opinion, relève pour d'autres
de la pure aberration. Voilà l'équation algérienne, à un mois d'une élection
présidentielle controversée, sorte de dilemme qui ne semble n'intéresser que le
pouvoir et les médias officiels. Face au branle-bas dans les chaumières, le
peuple préfère battre le pavé et crier, haut et fort, ses colères. Dans l'autre
côté du spectre, le monde regarde avec étonnement comment un pouvoir aussi
fragile qu'illégitime peut s'en sortir dans pareille situation, sans qu'il ne laisse
de plumes, trop de plumes. Celui-ci, d'apparence désemparée, met la charrue
avant les bœufs, tentant de faire diversion par une contre-révolution en
sourdine, actée par la télévision officielle.
Une
impasse politique de dix mois, quel désastre! C'est un
peu trop pour la société, l'économie, la diplomatie!
Le régime est pris à la gorge : soit il accepte un changement de gouvernance en
profondeur, de façon à ce qu'il permette à la société d'accéder rapidement à la
démocratie dans des conditions favorables et avec les meilleures garanties
possibles, soit il disparaît de façon radicale, forcé par le verdict solennel
de la rue. La deuxième hypothèse, au demeurant la plus plausible, ne sera pas
sans conséquences sur la stabilité générale du pays. En tout état de cause,
dans les deux scénarios, le régime est le grand loser dans l'affaire. Car, rien
ne ressemble dans l'Algérie, née après le 22 février, à celle des décennies de
la dictature. Le peuple a bien compris qu'il a gagné la grande bataille de la
mobilisation, d'abord contre le cinquième mandat, puis contre le recyclage du
système dans son ensemble. En ce sens, la perspective d'un retour en arrière
n'est plus envisageable. Ainsi, toute manipulation qui vient d'en haut paraît
comme un coup d'épée dans l'eau. Refaire les mêmes erreurs d'hier et passer
sous silence l'arbitraire de l'administration n'est autre qu'une soumission
devant le fait accompli. Une chose étant sûre : les semaines qui viennent vont
être très chaudes pour la nomenklatura qui, dans sa démarche vaine de
«relooker» le navire national avec du bois vieilli, va sans doute se confronter
à une situation nouvelle, encore plus inextricable que celle qu'elle connaît
aujourd'hui, surtout si elle ose faire fi de la volonté de la plèbe. A vrai
dire, la société est devenue une onde de chocs à double incidence pour une
élite nombriliste qui ne sait que reporter avec mépris l'échéance d'un aggioranamento de son modèle de gouvernance.