On est enclin à penser que le Forum de la paix organisé demain à Paris risque de s'apparenter à une rencontre de café, ou tout au plus à une réunion de salon. C'est que l'on a été outrageusement habitué à la virtualité stérile d'un tel regroupement de hauts responsables et de chefs d'Etats choisis où la littérature savante s'installait pour rêver.

L'intitulé et le menu sont riches et l'épaisseur du programme est engageante mais l'abîme entre le dit et le fait a toujours produit des désillusions répétées. Les organisateurs disent vouloir s'attaquer à la mauvaise organisation de la planète et que tous les sujets seront abordés, non pas pour palabrer mais pour imposer des solutions pour permettre au monde de se porter mieux.

On devine de loin les rictus amusés d'un Trump, d'un Netanyahou, d'un Bolsonaro et de nombreux autres du même acabit à l'écoute de ce qu'ils considéreraient comme des inepties. Les invités eux-mêmes ne viendront pas illusionnés par les chimères programmées, car on se demande par quels tours de main ou magie les infortunés Niger, Togo ou la petite Tunisie trouveraient les capacités nécessaires pour dérouter la trajectoire dramatique de l'humanité.

On annonce surtout que le doigt sera mis sur la défense de la multilatéralité pour vaincre la montée des égoïsmes nationaux. Par les temps qui courent, cette fantasmagorique déclaration est dépourvue de sens et de consistance et interpelle une lourde et légitime circonspection. Elle suppose l'annihilation des murs érigés sur les frontières un peu partout et dont le bâtissage est devenu le sport favori de nombreux Etats. Elle serait revendicatrice d'une superbe justice humaine permettant aux hommes et aux peuples d'être égaux. On est à l'évidence séduit par tant de volonté affichée pour une générosité prescrite pour que la Terre soit un paradis.

Mais alors qui ira affronter les marchands d'armes pour leur exiger de reconvertir les machines de la mort en outils d'amour et de respect de la dignité humaine ? Certainement pas les hauts régents qui ne doivent leur légitimité qu'à ces marchands.