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Mea culpa

par Salim Metref

Beaucoup se sont trompés en croyant bien faire. D'autres ont persisté dans l'erreur. Mais tous n'étaient pas coupables. La grisaille s'installe dans nos murs mais l'énergie est là et ne demande qu'à se déployer pour bâtir. Les réformes économiques sont devenues incontournables mais elles ne peuvent être déployées et mises en œuvre dans la précipitation et surtout sans leur pendant politique. Le respect des libertés fondamentales ne doit plus être qu'une promesse que l'on ne tient jamais parce que la richesse et l'opulence sont là ou un épouvantail que l'on agite lorsqu'il n'y a plus rien à offrir ou à partager mais devenir une réalité tangible. L'effort à consentir pour redresser la barre est immense mais réalisable. Il doit être en tous les cas équitablement partagé d'autant plus que le discours officiel est plombé par un handicap majeur, une crédibilité de la matrice, pour emprunter une terminologie utilisée par l'intellectuel Sammy Oussedik, largement entamée par l'échec. Un échec patent, récurent et incontestable. Alors que faut-il faire? Juger les coupables, déployer les instruments financiers internationaux spécialisés dans la traque de l'argent sale et des comptes off-shore ou s'immiscer dans des joutes qui semblent opposer les différents fragments de la matrice éclatée et qui fondamentalement ne sont porteuses ni de lumière ni de perspectives pour l'Algérie. Le deal est sans doute ailleurs. Il est plus exaltant. Le pays est à reconstruire. Les Algériens honnêtes qui vivent du fruit de leurs efforts et qui comme ceux de novembre 54 ont l'Algérie au cœur pourront le faire. Paisiblement mais avec forte conviction. Et la situation est d'autant plus inextricable que la prudence et la sagesse doivent être de mise. Ce 1er novembre aurait pu être ainsi l'occasion de remettre les pendules à l'heure, de se remettre en cause et de faire son mea culpa. Une date fondatrice qui suppose que des décisions fortes soient prises. Comme se remettre en cause qui n'est pas se faire harakiri, ni se déshonorer. Beaucoup parmi nous se sont trompés en voulant juste bien faire. L'échec tout comme la réussite font partie du parcours de toute personne normalement constituée. Si en 1954, une minorité de jeunes Algériens a eu l'audace de décider de déclencher le combat libérateur et de mettre un terme au système colonial français, ce premier novembre qui vient devrait être la journée du mea culpa. Oui, nous avons abîmé, souillé, appauvri et malmené ce pays qui est devenu méconnaissable. Et nous en sommes hélas tous responsables. Et si Trotski prétendait que les peuples ont souvent les dirigeants qu'ils méritent, nous prétendons, nous, que les dirigeants ont parfois aussi les peuples qu'ils méritent. Alors aujourd'hui, transmettre, comme on dit, le flambeau aux plus jeunes est une décision qui ne peut plus attendre car elle constitue l'unique opportunité qui permet à cet immense potentiel de richesse et de créativité de se déployer au profit de l'Algérie. Car relever les défis qui s'annoncent sera extrêmement fastidieux et en tous les cas à la hauteur des décisions qui seront prises et des ruptures incontournables auxquelles il faudra procéder. Oui, beaucoup se sont trompés en croyant pourtant bien faire !