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LA GOUTTE D'EAU ET LE TSUNAMI

par Abdou BENABBOU

L'heure n'est sans doute plus à l'effarement. Même s'ils s'étaient armés d'un optimisme de façade, les Algériens ont fini par comprendre que l'étonnement n'a plus droit de cité dans une Algérie malmenée par d'incroyables paradoxes où le couteau a fini par atteindre l'os. Ayant pris leur mal en patience, ils se rendent bien compte que le Hirak ne date assurément pas du 22 février et qu'il avait bien des années derrière lui. Eparpillée et contenue, la protesta avait touché tous les villages et toutes les villes depuis des mois et des années pour signifier que le pays était au fond du puits.

Ce qui se passe aujourd'hui avec nos magistrats ne doit avoir rien de surprenant. Le signal de la décrépitude avait été donné déjà il y a bien longtemps et le couronnement de la catastrophe a été visible quand les forces de police sont allées embastiller les portes de la présidence de la République, puis quand leur premier chef avait été abattu dans son bureau par son propre adjoint. Evénements non anodins et avec la parallèle des émeutes quotidiennes répétées, on avait là l'usure jusqu'au trognon d'une société mortellement désemparée.

Inutile de s'appesantir toujours sur la débilité de la tentative d'accaparement du cinquième mandat ni d'insister sur l'écornage des veaux qui sont en prison. Le péril est plus large et la situation nécessite un ébourgeonnage plus judicieux et plus conséquent. Ce qui a été vécu comme gabegies, maladresses, vols, rapines n'a été que les mauvais effets d'une lourde histoire perturbée. Il n'est pas dit que seuls les Algériens en sont victimes. Implacable en s'élargissant, la pestilence prend le monde entier à la gorge. Si des zygotes nés en mal de gouvernance ont été la cause en Algérie de la goutte qui a fait déborder le verre, d'autres signes plus lourds indiquent que la Méditerranée se prépare à un débordement colossal par un tsunami qui embrasera toute l'Afrique. L'Europe en paiera collatéralement un prix.

Le copier-coller d'une démocratie prêt-à-porter n'est plus de mise. L'individualisme et la cupidité mêlés au paternalisme des Etats relèvent aujourd'hui de l'enfantillage. L'heure est à la nécessité d'une nouvelle approche collective pour faire face à une colossale menace. Bien qu'elle pourrait apparaître épineuse, elle est d'une simplicité mordante : s'assoir autour d'une table, sans à priori et sans arrière-pensées et concorder les intérêts.