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La fièvre du «Hirak»

par El Yazid Dib

Sur le «Hirak», devenu vieux de 9 mois, il y a dire et à redire de nouveau. Il n'est plus de la même intensité qui l'avait vu naître. Il reste flexible selon les discours des uns et la réaction des autres. En fait, ce sont ces événements et cette actualité qui le nourrissent et agissent sur son tempérament. Chaque sortie à ses propres contingences, chaque vendredi a les siennes.

Il est né sur la place publique et inscrit dans l'état civil historique le 16 /22 février 2019. En réalité sa naissance défie le temps. Il serait né bien avant Jésus Christ. Dans les monts et piedmonts de notre terre si convoitée.

Le temps dans la vie d'un Etat n'a pas la même mesure chronologique que celle du simple individu précaire et mortel. L'éternité et la constance font à l'inverse de l'homme ; les armoiries des civilisations dont l'entité étatique demeure justement au fronton de la pérennité et de l'immuabilité presque divine. Autrement dit les hommes partent, les Etats aussi. Voire les républiques se succèdent, les systèmes se régénèrent. Quant aux peuples ; ils connaissent mue et métamorphose selon l'exigence du moment et le rapport de société. Si hier l'indépendance était demandée et arrachée, aujourd'hui elle est autrement redemandée et renégociée.

L'échéance approche. Elle est là. Les candidats ayant satisfait aux pré-requis ne sont qu'au stade du caprice enivrant et du souhait téméraire. Le sondage d'opinion, l'enquête des intentions et la démarcation d'autrui, préalables tactiques à toute post-annonce, commencent déjà à profiler l'heureux vainqueur. On ne le dit pas, il se murmure. Le mutisme en pareil cas devient stratégiquement une hardiesse politique. L'expérience de prendre en haleine la société politique et de faire nourrir l'hésitation peut avoir un impact fort porteur. Agir sur la masse.

Le talent n'a jamais engendré un président. Seule la manœuvre apprivoisant la géographie et l'histoire, cajolant l'espace et le temps, formant l'opinion et forçant la crédulité est à même d'offrir le sacre. Le président n'est qu'une longue et dure histoire. C'est une odyssée. Un tissage de chapelle. L'on ne peut venir tôt et incognito, dans ce giron.

Contrairement au vœu du ?Hirak' à qui l'on voudrait rendre à tort ou à raison une potentialité de souveraineté présidentialisante, il n'est pas possible de constater ailleurs, dans le milieu politique, la moindre silhouette d'un puissant candidat parmi ceux retenus. Les bancs sont vides. D'où l'interrogation, courante soit-elle, de vouloir savoir qui se cache derrière le rideau, pour qu'à la dernière minute, juste avant le spectacle ; les feux s'illuminent, les torches s'enflamment et les cliquetis des flashs éblouissent l'assistance ?

Lire les événements avec un seul œil ou les faire sasser sous bride, c'est se ramener forcément à une unicité de vue. Le plus dangereux dans cette option, car elle provoque une dodue méprise d'appréciation de valeur c'est aussi cet entêtement de croire n'y voir que la vérité. La sienne.

Du «non au 5ème mandat» qui faisait un consensus comme une pleine lune et retentissait tel un tonnerre de Dieu à «les généraux à la poubelle» du «klitou leblad ya serakine» à «Dawla madania» ; la recrudescence verbale est montée d'un cran. Ce qui laisse à croire que rien ne va arrêter ni les uns ni les autres. Le pouvoir persiste, le ?Hirak' également. A la différence que, quand l'un s'essouffle l'autre se ragaillardit.

Cette avancée dans l'âge aurait fait du ?Hirak' ou un vieux mouvement sujet à des convulsions ou une dynamique qui se mûrit crescendo et dans le long terme.