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UNE SOCIETE ET UNE JUSTICE INDEFINISSABLES

par Abdou BENABBOU

Parce qu'elle est large et lourde d'infinies facettes, la justice ne peut se contenter d'une définition à la volée. Elle a un lien avec tout acte et tout fait pour se pérenniser dans la vie de chacun. La colère actuelle des magistrats n'est pas seulement un effarouchement passager contre un mouvement d'un personnel particulier sanctionné par des mutations non encore expliquées, mais la conséquence d'une mauvaise définition donnée à une institution qui régit la vie de chacun. Que de circonvolutions désastreuses elle a produites par le fait qu'elle soit liée à des lois humaines basées sur des coutumes, une religion, une idéologie, une politique, imposées par des législateurs détenteurs malgré eux d'un droit divin. Dans une société n'ayant aucun repère sur son passé ni sur son avenir, tout jugement rendu échappe rarement à l'erreur judiciaire car il punit une non-conformité à des règles établies avec une fatuité qui ne sied pas à une société totalement désarticulée. Une loi ne peut avoir de l'objectivité que quand elle normalise les relations entre les hommes dans une société où les comportements obéissent à un projet et à des vérités tangibles.

Le réveil des magistrats est identique à celui du peuple au travers duquel il ne s'agit nullement de se focaliser sur quelques revendications plates réclamant le départ de quelques personnes prises au piège elles aussi dans le magma des fausses fausses vérités. Ce réveil représente à merveille une prise de conscience de fonctionnaires pas comme les autres se rendant compte que l'itinéraire suivi par le pays ne cadrait pas avec leur lourde responsabilité. Ils s'aperçoivent que transformer une fugue amoureuse en rapt n'est pas rendre une justice honorable et que détruire les vies de faibles justiciables torturés par de souterraines gangrènes sociales n'est pas faire preuve de sagacité.

Dès lors que la justice est mise en demeure de se confondre avec la psychanalyse et la psychiatrie, il y a un grand péril en la demeure. Il en est ainsi pour toutes les grandes institutions. A l'image d'un peuple, elles deviennent elles aussi indéfinissables.