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La légèreté du monde poétique

par Kamal Guerroua

La magie des papillons ! Peut-on facilement la définir ? Tient-elle à l'éclat de leurs couleurs, au charme de leurs ailes qui voltigent, en brassant l'air, de façon irrégulière ? Est-elle due à l'infinie variété de motifs enchanteurs ornant ces fragiles créatures qui, après avoir été chenilles, puis chrysalides, revêtent leur belle parure nuptiale pour les derniers jours, ou plutôt les dernières semaines de leur existence ? Quand on observe bien un papillon, on y découvre toute la fragilité de la vie, faite de patience, de beauté et de mouvements. Un papillon n'est-il pas après tout synonyme de légèreté, de liberté ? Un grand écrivain classique s'est-il un jour étonné du fait que c'est la plume d'une colombe, et non pas l'aile d'un papillon qui est attachée au métier de l'écriture ! Pour lui, aucun être vivant n'a le pouvoir évocateur de la poésie comme un papillon qui survole une prairie et atterrit tel un hôte heureux sur les corolles de ses roses, en quête d'une nouvelle brise, d'un nouvel espace de vie. En effet, le survol de ce dernier n'est pas une simple promenade dans un jardin, mais une prospection de ses roses. Il s'unit parfois avec chacune d'elles avec tant de douceur et de délicatesse qu'on a l'impression, la rosée matinale ayant léché et presque forgé le moule de leurs corps, de voir deux insectes étroitement enlacés dans la nature. C'est comme s'ils dialoguaient entre eux en privé, dans l'intimité. Un dialogue de cœur qui ressemble à celui qu'entretient le poète avec son âme, durant ses moments de solitude et d'inspiration, une fois la nuit tombée.

Dans les choses où le cœur n'est pas, disait un jour Jules Barbey d'Aurevilly, la tête ou la main n'est jamais puissante ! Si la joie du papillon ne prend vraiment corps que lorsqu'il se lie d'amitié avec les roses, celle du poète dépend de son immersion dans le monde de l'esprit, du cœur, des mots. Ne dit-on pas d'ailleurs qu'il n'est de poésie que dans la communion, la vivacité et l'intimité des émotions ? Décidément !