Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Lettre à Djamel Ould Abbès

par El Yazid Dib

Le parti que vous dirigez est un patrimoine collectif dont les lettres de noblesse sont gravées dans chaque paroi de citoyen, malgré les adversités ou les diversités des uns et des autres. C'est un bien commun acquis en toute copropriété patriotique. La nostalgie est parfois un baume générateur de sérénité, lorsque l'avenir s'annonce sombre et tumultueux. Quelque part, nous sommes tous atteints de ce syndrome du passé. Je ne vous parlerai pas de ce Front qui a fait l'histoire, ni de ces hommes qui ont fait le Front. Ni encore du parti de ce Front qui a fait illuminer sans clarté des noms enténébrés et donné des signes, atteignant la seigneurie à des néants.

Un parti n'est grand que par la grandeur de ses idées et de sa dynamique à pouvoir changer et bouger les êtres et les choses. Ce n'est pas propre au FLN, ce qui surgit comme mélancolie, récrimination, transmutation et dépossession. Toutes les organisations connaissent à un tel pic de leur vie active, une telle fièvre rebelle et intransigeante. Cependant 'ancrage politique dont il se prévaut au sein de la masse, constituerait une aubaine pour la reprise des affaires ; si toutefois les noms itérativement usés ou inopportunément abusés, n'usaient pas l'espace des listes soumises aux mêmes masses.

Il se dit appelé à concevoir le fœtus de la société nouvelle, à sangler les mailles d'un tissu sentimental et national en perte de poinçons et de maillons. C'est la qualité de l'intention qui va conditionner le succès du dessein. Ce sont la richesse et l'authenticité du concept qui davantage vont mobiliser les énergies. C'est aussi l'extraction des impuretés qui va redonner, sans rigueur, la vigueur et le punch à ce corps - parti, bâti sur le filigrane de l'Etat. Lui le parti d'avant-garde, porteur de l'espérance populaire, englobe à ce jour en son sein certains esprits qui ont fait de l'engagement, un gage lucratif, de la compétence, une force de famille et un nombre tribal.

Juste à épier les contours déjà mis en branle pour le renouvellement sénatorial ; l'on aperçoit s'aiguiser les appétits pour que chaque élu local ait « démocratiquement » le droit à se faire porter dans la short-list. Ainsi, la théorie de la victoire par le chiffre demeure une insanité viscérale qui affecte vicieusement la sainteté de la majorité vertueuse, sachant relativement que dans certaines majorités, il y en a celles qui n'ont pas toujours raison. C'est pour cette raison et cela ne changera pas trop ni les mœurs ni les voies d'accès au bonheur politique, qu'un parti se doit d'imposer outre la rigueur morale de l'auto-évaluation, mais surtout une façon mécanique de l'obéissance partisane et non pas de l'obséquiosité. C'est au parti de veiller pas par n'importe comment pour que n'importe qui ne puisse devenir une entité représentative. Les primaires dans les prochaines joutes sénatoriales viendront confirmer la dictature de la quantité aux dépens de la qualité et corroboreront manifestement l'avatar mercantile tout en se laissant dorloter par les ambitions démesurées des uns et les visions illusionnistes des autres.

Si c'en est le cas, le centralisme démocratique avait ses repères dans ce temps où la politique ne s'exerçait pas comme l'usage des transports en commun, où le parti n'était pas une agence pour l'emploi, ni ses listes électorales de secours populaires ou d'assistance sociale. elle était l'expression d'une lutte, d'un combat, d'une autre révolution. L'élite des masses laborieuses engagées faisait naître cette conscience politique qui en fait de nos jours un grand défaut. Enfin, veuillez bien vouloir, Monsieur, à veiller pour sauvegarder ce qui reste comme quintessence exquise alimentant encore ce socle fondateur du nationalisme algérien.