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Coupable diversion

par Mahdi Boukhalfa

La proposition de normalisation des relations algéro-marocaines de Mohamed VI, après plus d'un demi-siècle d'agressions quasi quotidiennes, notamment à travers ses médias, et de dénigrement du gouvernement algérien, n'est pas crédible. Cette sortie inattendue et soudaine du roi du Maroc, acculé par un agenda politique serré dont la reprise de discussions directes avec le Front Polisario au début du mois de décembre prochain, est de la poudre aux yeux. La manœuvre du roi du Maroc est claire: d'une part, il veut montrer à ses soutiens dont les monarchies du Golfe et les pays membres du Conseil de sécurité, en particulier la France et les Etats-Unis, que c'est bien l'Algérie qui refuse tout rapprochement entre les deux pays et d'autre part que l'Algérie est le facteur de blocage de l'émergence d'un Maghreb débarrassé de ses contradictions et partenaire économique solide de l'UE.

Le geste ou ce que certains n'ont pas hésité à qualifier de «main tendue du Maroc à l'Algérie» ne peut être décrypté que par une autre tentative grotesque de Rabat de compliquer encore plus le dossier de décolonisation au Sahara Occidental. Sinon pourquoi, à quelques semaines (les 5 et 6 décembre prochains) du début des discussions directes avec le Front Polisario à Genève, l'opinion maghrébine et internationale est surprise par une proposition qui aurait dû en réalité être faite juste après le coup monté d'août 1994 de Marrakech et éviter que les frontières ne soient fermées par l'Algérie après l'imposition par Hassan II aux Algériens d'un visa d'entrée dans le royaume ? Il y a eu trop de coups bas et de coups tordus de Rabat contre l'Algérie durant ces 25 dernières années pour que le geste de Mohamed VI soit vraiment le départ d'une autre configuration des relations plurielles entre les deux pays.

Le moment choisi pour cette proposition est, lui aussi, tombé comme un cheveu dans la soupe dans l'agenda politique des deux pays. Autant à Rabat on doit préparer sérieusement et de bonne foi les prochaines discussions directes sous l'égide de l'ONU avec le Front Polisario pour entamer la dernière ligne droite pour la fin du conflit au Sahara Occidental, un caillou dans le développement économique et social dans le grand Maghreb, autant à Alger on s'attend à un round franc et direct. Mais, pas à «ça»! Pas à ce que le Maroc vienne perturber la bonne préparation de cet événement par une proposition à la limite indécente, au vu des «crasses» faites par le Makhzen à l'Algérie durant ces dernières années, ou ces derniers mois, l'affaire en mai dernier des armes supposées acheminées via l'Algérie par le Hezbollah vers les combattants sahraouis étant encore toute fraîche. Non, la démarche n'est pas sérieuse, car même si les intentions du roi du Maroc étaient sincères, la méthode choisie pour son annonce serait d'abord de se concerter avec l'Algérie par la voix diplomatique, ensuite l'annoncer. Et non pas en célébrant la 43ème année d'occupation du Sahara Occidental.

A tout le moins, le silence à Alger vis-à-vis de cette proposition marocaine serait qu'elle n'est qu'une manœuvre de diversion, une de plus du Maroc, à chaque échéance internationale d'importance pour qu'il prenne ses responsabilités devant la communauté internationale. En faisant cette proposition inappropriée et à un moment inopportun pour le gouvernement algérien, qui prépare la prochaine élection présidentielle, le Maroc, que personne n'a jamais pris au sérieux, tente tout simplement de déplacer le problème de l'occupation du Sahara Occidental vers le refus poli de l'Algérie à croire ses sornettes.