Et si dans
l'esprit mercantile de nos gouvernants, les harraga
avaient enfin une utilité. En plus d'aller nourrir les poissons de la
Méditerranée, de réduire comptablement le chômage, d'alléger les charges de la
sécu, de débarrasser le plancher et de ne plus entonner des slogans
anti-pouvoir les jours de matches, les harraga
peuvent servir de monnaie d'échange. Un moyen pour faire chanter l'Europe, le
pourtour méditerranéen en prime-time et se faire un peu de blé au passage. Vu
les temps qui courent et la crise économique multidimensionnelle, pour faire
plus savant, on ne peut pas cracher sur quelques billets en plus, histoire de
boucler les fins de mois difficiles. Les harraga, à
force de fournées, sont devenus, par la force des choses, l'arme dissuasive de
l'Algérie, et les pays envahis, comme l'Allemagne ou l'Italie, en attendant le
tour de l'Espagne, n'ont d'autres alternatives que de monnayer leur retour à
l'envoyeur. Après Berlin, c'est au tour de Rome d'atterrir sur le tarmac de
Houari Boumediène pour passer un marché avec Alger en
vue de rapatrier ses ressortissants. Le deal étant qu'en échange de billets
retour, des investissements sonnants et trébuchants sinon du cash. Le créneau
est porteur, juteux, l'investissement n'étant pas très important, rapidement
amorti, et la matière première intarissable. Que demande le peuple ? Les jeunes
pourront ainsi allier leur amour de la liberté et de la recherche d'un ailleurs
plus clément et contribuer à l'économie du pays. Pour cela, l'Algérie devra
impérativement marchander ferme pour le retour de ses exilés de la mer et
demander le meilleur prix par tête de pipe. Ensuite, les rapatrier au frais du
contribuable, le leur évidemment, il ne faut chipoter sur aucun bénéfice. Là,
on les présente devant un juge, histoire de faire semblant, une petite tape sur
la main avec la promesse ferme, écrite et légalisée à la mairie du douar de ne
plus se prendre pour Ulysse. Ces formalités expédiées, il y a lieu d'encourager
ces jeunes à reprendre la mer. De gré ou de force, enfin c'est connu qu'il ne
faut pas les prier longtemps pour qu'ils se caltent de ce pays. On dégage des
prêts Ansej pour la construction de bateaux, créant
de l'emploi et de la richesse, et vogue la galère. Pour plus de précautions, et
afin d'éviter toute réclamation des clients, ceux qui ont été expulsés d'Italie
seront orientés vers l'Espagne, l'Allemagne ou la France, pour brouiller les
cartes et vice-versa.
On rend
publiques les heures de passage des patrouilles, on vend en promotion les
moteurs et GPS, les gilets de sauvetage étant offerts gratuitement. Il faut
développer une véritable industrie de la harga pour
promouvoir l'économie hors hydrocarbures puisque apparemment ni le tourisme ni
l'agriculture ne semblent être des options stratégiques pour le régime en
place. Pour résumer, c'est comme l'histoire du pigeonnier qui élève des
pigeons, les vend et lui reviennent en fin de compte pour les revendre de
nouveau. C'est simple et ça rapporte gros.