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Vérités amères !

par Kamal Guerroua

Une étude réalisée, il y a quelques mois, par l'institut américain «Gallup» dans cinq pays de l'Afrique du Nord, à savoir le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye et l'Egypte, a vraiment de quoi faire peur. En effet, 46% des jeunes âgés entre 15 et 29 ans sont prêts à quitter leurs pays définitivement, sans aucune intention de retour. Le sondage sort avec la remarque suivante: le niveau d'instruction est un facteur déterminant qui pousse beaucoup d'entre ces derniers à opter pour l'aventure de l'émigration. Autrement dit, plus les jeunes sont instruits, plus leur désir de s'installer dans un pays moins corrompu, plus respectueux des libertés individuelles et plus développé est fort. Les spécialistes constatent aussi avec amertume que les systèmes éducatifs de ces pays-là sont à la ramasse, ne jouant plus le rôle de moteur de croissance et de fenêtre d'ouverture sur le monde. L'état d'esprit «nihiliste» observé chez la plupart des jeunes Maghrébins dénote d'un manque d'insertion citoyenne et professionnelle adéquate dans le circuit de la vie moderne.

De même, l'absence de lieux de loisirs et de détente a favorisé l'entropie et l'enfermement juvéniles, lesquels sont à l'origine du pullulement des foyers de débauche et de délinquance dans le cœur de cités urbaines «ruralisées».

L'école, ce maillon faible dans des systèmes sociaux hybrides, dysfonctionnels et anxiogènes, étant en délitement constant. Ce qui a retardé l'apprentissage sérieux de l'abécédaire de la démocratie et poussé la jeunesse dans l'engrenage de la violence. Bien entendu, cette violence-là n'est que l'effet boomerang de la fermeture politique tous azimuts des régimes en place. En état de guerre permanent, la Libye à titre d'exemple n'a pas pu se départir de l'esprit bédouin, hérité de l'époque d'El-Gueddafi et incrusté dans les agissements des factions belligérantes, la Tunisie qui représente jusque-là l'espoir du Maghreb accuse un énorme retard en matière d'infrastructures éducatives alors que ses rentrées touristiques en devises sont fluctuantes, vu le climat d'instabilité secrété par les derniers attentats terroristes. Quant au Maroc qui a tenté un timide « aggiornamento » éducatif, les résultats se font attendre et risquent d'être tardifs.

L'Algérie et l'Egypte sont presque dans la même case et présentent des cas à part : manquant de renouveau et d'aération, leurs systèmes éducatifs se dégradent de plus en plus, sur fond de violence sociale sournoise difficilement maîtrisée et d'une montée aussi graduelle qu'inquiétante du phénomène islamiste. Bref, en comparant entre tous ces pays-là, on se rend facilement compte que l'école en tant qu'instrument de développement social est loin d'être la priorité n° 1 dans la tête des dirigeants. Un état de lieux qui laisse un avant-goût de déception chez la jeunesse et la «dépatriotise», en la jetant dans le train sans destination fixe de l'errance et de la perdition.