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L'histoire de la violence

par Moncef Wafi

On les connaissait taquins les supporteurs algériens lorsqu'ils ne passent pas leur temps à insulter père et mère du voisin, quand ils ne tabassent pas leurs homologues adverses et ne mettent pas le feu aux alentours des stades. Mais ils sont aussi sacrément farceurs lorsqu'ils mettent dans l'embarras la diplomatie de tout un pays. C'est juste si les galeries de supporteurs, avec leurs tifos ou chants, ne déclenchent pas les crises diplomatiques entre l'Algérie et les autres pays arabes. Comme ça parce que le refrain est entrainant, joyeux à répéter, musical. Parce que le tifo est génial, provocateur et irrévérencieux. De Bologhine à Aïn M'lila, les supporteurs algériens n'ont fait que scander des slogans qui leur tiennent à cœur. En louant Saddam Hussein ou en grimant le roi saoudien, les Algériens n'ont fait que chanter tout haut ce que pensent les autres Algériens tout haut également. Au fond, rien de politique, rien de vraiment méchant et les chants, en dehors des obscénités entendues, ne sont pas forcément dirigées personnellement contre les joueurs irakiens. Les supporteurs usmistes n'ont rien à cirer du régime irakien actuel en place, encore moins ceux de Aïn M'lila par rapport au rapprochement de Riyad avec Trump. Les Algériens ont toujours vu en Saddam une ressemblance avec Boumediène, sans rentrer dans les détails des querelles idéologiques, et le stade d'Oum El Bouaghi a seulement tenu à dénoncer le transfert de l'ambassade américaine à El Qods, béni par le roi saoudien. Maintenant qu'Ouyahia se croit obligé de demander pardon après chaque match où est chanté un relent de politique, libre à lui de passer son temps devant les ambassades des pays qui se sentent morveux. Lui-même a été victime de cette culture populaire underground qui revendique une liberté d'expression incontrôlable, alors que c'est le pouvoir, himself, qui a fait rentrer la politique dans les enceintes sportives. Cependant, et avant de condamner ces supporteurs à la potence, il faut avant tout penser à pacifier nos stades devenus d'impitoyables arènes de combat. Le foot n'a jamais été qu'une partie à onze contre onze en Algérie mais un enjeu politique et sociétal qui met à nu les carences de cette gouvernance à la tatillon. Même si le niveau actuel du championnat national laisse plus qu'à désirer, les Algériens, qui s'interrogent toujours sur leur identité intrinsèque, y laissent libre cours à leurs frustrations, chantent la mal-vie et revendiquent leur liberté en rejetant la tutelle de l'Etat sur leurs cadavres. Il n'y a qu'à écouter les paroles scandées de ces galeries, les jours de matches, pour comprendre que le stade est plus qu'une histoire de sport. C'est l'histoire de la violence.