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Attica ou le fol amour de la liberté

par Moncef Wafi

Le 9 septembre 1971, 1.300 détenus de la prison d'Attica, de l'État de New York, se révoltent, s'emparant de la cour du bâtiment D et prenant 42 gardiens et civils en otage. Ils voulaient dénoncer le caractère inique des prisons américaines et le racisme ordinaire des gardiens. «Nous sommes des Êtres humains», un cri rapporté par leur déclaration. L'histoire impitoyable des Etats-Unis d'Amérique a rattrapé ces mutins de l'honneur qui ont protesté contre les conditions de détention d'Attica, demandant des douches, des moyens pour étudier, moins de censure sur les courriers et les visites, un salaire minimum, une meilleure nourriture et des meilleurs soins médicaux.

Ils revendiquaient, également, le droit de se rassembler à des fins politiques ou religieuses, la liberté de culte, une meilleure formation des gardiens, l'établissement d'une procédure, visant à recueillir les griefs des détenus, la mise en place de programmes d'éducation et de réinsertion, bref ce que tout peuple, mis sous étroite surveillance, revendique. Un air de déjà vu, quelque part dans un pays du tiers monde, qui avance en reculant et qui glisse sur ses propres peaux de bananes importées, dans des containers de viande congelée. Un pays dont les citoyens sont de simples numéros d'écrou et les détenus, de citoyens modèles qu'on bichonne et qu'on prépare au chaud pour être lâchés contre la population, lors des dates symboles du calendrier national. Le pays s'est transformé en un gigantesque pénitencier à ciel ouvert où les miradors sont injectés dans les consciences et les murs érigés par des lois liberticides. Tout comme Alcatraz, les bagnards s'échappent, par la mer, et peu en réchappent alors que personne ne sort indemne d'une vie passée derrière des barreaux imaginaires. A Attica, les militaires ont tiré dans le tas, sans distinction des uniformes (neuf gardiens sont comptabilisés comme victimes collatérales) et la désinformation fera le reste.

La matraque est l'unique moyen de communication et les rappels à l'ordre rythment le quotidien citoyen. Si les émeutes d'Attica ont attiré l'attention des médias sur l'état des prisons aux Etats-Unis, pendant les années 1960 et 1970 et mis en évidence le fonctionnement raciste du système pénitentiaire américain et le fanatisme des gardiens, le pays, lui, reste imperméable à toute autocritique. Il reste fermé devant toute réforme qui libèrera son peuple, préférant faire de l'histoire de Attica, une simple histoire d'amour platonique. Mais c'est sans compter sur les adeptes de ce nom, capables de décrocher l'étoile qui brille le plus au-dessus des fermes pour l'amour d'Attica.