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Plus belle la vie !

par Kamal Guerroua

Il a suffi qu'une jeune femme, décédée il y a quelques mois des suites de sa maladie, appelât les services de secours d'un hôpital hexagonal, lesquels n'avaient pas, semble-t-il, pris ses cris de détresse au sérieux, qu'une polémique soit vite née et que, prenant le relais des politiques, les médias enchaînent débats et discussions sur les plateaux-télé sur ce qu'ils considèrent désormais comme un scandale.

Cet exemple montre combien la vie humaine vaut son pesant d'or sous d'autres cieux où le droit à la dignité humaine prime sur toute autre considération.

Maintenant un petit «focus» sur les hôpitaux de mon pays où plus rien ne marche correctement, où médecins-résidents et infirmiers sont tabassés par les forces de l'ordre parce que revendiquant justement davantage de dignité à eux-mêmes et aux malades dont ils ont la charge, où ces derniers souffrent le martyre des lenteurs et de la médiocrité de leur prise en charge, où parfois des «charlatans» n'ayant rien à voir avec la médecine ou l'éthique d'Hippocrate s'approprient le podium du mérite, en inventant des médicaments-bidon qui exposent la vie de milliers de patients au danger de la mort avec l'aval des autorités compétentes.

Une de mes connaissances m'a affirmé récemment que, si elle tient de tout cœur à s'expatrier en Occident, c'est parce qu'étant au seuil de la vieillesse -la période des grands maux- elle a peur de se retrouver un jour sur le lit d'un hôpital algérien où elle serait fort probablement mal prise en charge : «Ce dont j'ai vraiment horreur en Algérie, m'avoua-t-elle avec un accent amer, ce sont les couloirs de la justice et les salles de soins des hôpitaux!» «Mais pourquoi tu es trop pessimiste comme ça?», lui déclarai-je un peu taquin, «Absolument pas! je signe et je persiste devant tout le monde : l'hôpital est le plus grand malade à soigner chez nous».

Sans appel, la sentence de cette amie résume, à elle seule, tout le sentiment de malaise qui gagne des pans entiers de la population algérienne à la seule évocation du nom «hôpital». Perçu comme mouroir, celui-ci est synonyme de suspicion et de peur au lieu d'être un havre de soins et de repos.

Au fil du temps, la complainte des miens s'est transformée en un dégoût insurmontable, surtout avec le pullulement de ces cliniques privées qui, quoique performantes et bien équipées, mettent à nu les failles d'une société où plus des deux tiers de la population ne sont plus en mesure de se prendre en charge matériellement, vu les coûts onéreux des prestations médicales fournies.

Hélas, les soins qui devraient être à la portée de tous sont l'apanage des seuls rentiers-fortunés au moment où les officiels, eux, préfèrent prendre l'avion en destination de l'étranger pour le moindre petit bobo. Voilà ce qui soulève l'indignation des Algériens aujourd'hui...