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L'automobile, un dossier hautement toxique

par Moncef Wafi

S'il y a un sujet qui passionne toujours les Algériens, c'est celui, entre autres, des prix des voitures montées en Algérie. Nécessité oblige, les importations de véhicules ayant été interdites, officiellement s'entend, le citoyen n'a d'autres alternatives que de se tourner vers ces fameuses voitures supposées avoir au moins un minimum de taux d'intégration national, histoire de mettre sur pieds un tissu de sous-traitance automobile comme c'est le cas chez nos deux plus proches voisins. Mais voilà, force est de reconnaître que le secteur de l'automobile censé être le fleuron industriel du pays, après la chute drastique des cours du pétrole, n'arrive plus à se débarrasser des scandales qui l'ont entaché depuis le lancement de l'opération en 2012.

La vision première d'une industrie, hors hydrocarbures, pouvant être la locomotive tant attendue du renouveau économique national, s'est réduite à un ensemble de hangars d'assemblage de véhicules arrivant en kits de l'étranger. Alors que le pays voulait en finir avec les importations des voitures qui coûtaient un bras au Trésor public, il se retrouve avec un monopole de fait accordé à quelques privilégiés.

Une importation déguisée qui a déstabilisé le marché interne faisant exploser les prix à l'unité et conduit à une riposte citoyenne, sans précédent, qui a lancé une opération de boycott de ces véhicules. Dossier hautement toxique, le dossier de l'automobile a même valu le scalp du ministre de l'Industrie sortant Bedda qui avait promis de «mettre un terme au mode actuel de production» automobile en Algérie et, le 31 juillet, le gouvernement avait suspendu tout nouveau projet de montage de véhicules. Bedda faisait alors un triste bilan puisqu'il affirmait que trois ans après son lancement, cette opération n'a eu aucun impact sur les réserves de change ou la création d'emplois, mais a engendré un coût important pour l'Etat en termes d'aides et d'avantages fiscaux. Depuis, il a été limogé et les projets ont connu une inflation grave.

La publication des prix de sortie d'usine par le ministère de l'Industrie et des Mines, alors que la prérogative étant sur le compte du département du Commerce, a contribué, définitivement, à discréditer un secteur et ses tenants alors que certaines indiscrétions avancent même que les tarifs affichés par certaines sociétés de montage de voitures sont loin de refléter la réalité des prix.

Aujourd'hui, alors que le cahier des charges est pourtant clair sur un point, celui des prix qui ne doivent pas être supérieurs à ceux des voitures importés en l'état, les Algériens continuent à assister à un ballet de décisions imposées d'en haut pour privilégier tel ou tel autre opérateur, basculant la logique économique nationale dans la case des intérêts clientélistes dont les répercussions sont dangereuses pour le pays.