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Un transport dans des travaux publics

par El Yazid Dib

Ce n'est pas parce qu'il y a du blé dans le pain que l'on donne les boulangeries à des agriculteurs. Ou de fruits de mer dans l'eau que l'on donne les poissonneries à des puisatiers ou au ministre des Ressources hydriques. Entre, donc, transport et travaux publics, il y a beaucoup de séparateurs. La fin de l'été reste encore une histoire de redémarrage d'embrouillage. Les transports ont commencé à raconter, pour les faire vivre, aux passants et conducteurs les aléas d'une chaussée squattée, le dérèglement des carrefours ou l'animosité qu'a un automobiliste à l'égard de l'autre. La crainte des écoliers dépasse en densité les bandes rugueuses et le passage pour piétons s'emprisonne comme l'est la bande d'arrêt d'urgence. Il n'est plus possible de cultiver un quelconque amour pour ces transports.

C'est devenu, loin d'être le calvaire d'un ministère hybride, celui de toute une humanité qui ne sait plus se lever tôt. Cet amalgame organique n'arrange ni la route et ses cunettes, ni l'organisation du flux et reflux des engins, des aéronefs et des navires. Quand les ponts et chaussées, la rue et ses nids-de-poule, les avaloirs et les fossés ne seront plus le lot quotidien, c'est que la tutelle s'est évaporée dans des conjectures d'attributions et de prérogatives. En courant à gauche et à droite entre l'ANA et l 'IATA, elle perd le nord.

Ce n'est pas parce que le transport s'exerce sur terre, sur un tapis de goudron ou use du ciel, d'un port, d'un viaduc ou d'un tunnel qu'il doit forcément appartenir à la même famille d'entreprises de réalisation. L'infrastructure ne peut s'ériger en pièce d'identité quand bien même la géographie essaye à contre-courant d'être le monopole d'une seule entité.

Cette tête bicéphale doit être conforme à une tête de même gabarit, sinon le regard à porter sur un secteur ne sera pas identique pour le jeter sur un autre. Transport et travaux publics ne feraient pas un bon ménage, et cette union s'assimile à une procréation infructueuse. L'on a beau avoir un jour été jeune, prouver ses ardeurs et clamer ses charmes débonnaires, il est toujours tangible hélas, après coup, de se réveiller le matin sur une amertume et une frustration. De voir que les choses de travaux publics ou privés, de transports individuels ou en commun sont encore à un stade stagiaire. La politique dans ce domaine se pratique pare-choc contre pare-choc.

A la queue leu leu. Deux grands départements ne peuvent se traîner par une seule locomotive, soit-elle à l'apparence vigoureuse quoique époumonée. Aucune faculté adaptative ne peut résister à l'exigence que convoque l'actualité d'un secteur en permanence vivant.

C'est ainsi que pour une bonne gouvernance, il faut, obligation de résultat oblige, savoir surpasser un traditionnel comportement de suivi administratif ou une banale continuité sans brio ni éclat. La rénovation du regard va sans doute garantir un léger mieux.

Si la responsabilité des transports se situe dans le majeur souci d'innover dans la performance de leur système de gestion publique, celle des travaux publics se localise dans le cadre d'existence et de vie. Le salut serait à chercher dans le divorce des deux créneaux qui chacun a son poids et pèse très lourd. Cette mesure saura redéfinir le sens à donner à la mobilité et à sa flexibilité et recadrer la mission dévolue aux « supers » infrastructures de base. Un aéroport ou autre plateforme de circulation ne rime pas en totalité avec transport. Il y a dedans, outre les transferts de personnes et de marchandises, de l'économie, du tourisme, du commerce, de la sécurité, du change et des finances extérieures, de la santé publique, de la météorologie et un grand et intelligent pare-brise.