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Que faire ?

par Mahdi Boukhalfa

La question ne mérite plus d'être posée, car le système éducatif algérien est depuis un moment passé de vie à trépas. C'est l'avis de tout le monde, même de ceux qui n'ont pas eu la chance d'aller ni à l'école, ni à l'université. Le fait est qu'avec la généralisation de la ?'médiocratie'' dans notre société sont apparus des phénomènes curieux, indésirables, et qui font mal là où cela ne devrait pas faire mal : l'école algérienne est en plein naufrage. Et quand l'école dans un pays n'est plus en bonne santé, c'est toute la société qui est malade, et si la situation empire, c'est le recul tout droit à la vitesse grand ?'V'' vers le sous-développement, ou si l'on veut, le développement du sous-développement. Comment ne pas s'offusquer quand des milliers de familles algériennes sont mises devant un très rare cas de fait accompli : une session de rattrapage du bac pour les ?'absents'' et les ?'retardataires''. Le plus dramatique dans cette cocasse situation, est que, et les syndicats l'ont bien démontré et revendiqué, ceux qui ont passé leur bac le plus normalement du monde, en observant les consignes, eux, donc, n'auront pas une seconde chance de se rattraper, s'ils échouent. Là, la ministre de l'Education nationale est donc prise à son propre piège, elle qui affirmait mordicus que le bac doit être plus juste et récompenser les candidats les plus méritants, et rétablir ainsi une sorte de justice sociale à l'école. Elle a oublié cependant la réalité tout autant sociale, culturelle que politique, de son pays. C'est-à-dire que l'Algérie est le pays des miracles, et donc qu'un candidat au bac qui s'est donné lui-même ?'0'' chance de le décrocher en refusant de se présenter au centre d'examen, pourrait l'avoir en obtenant une chance inespérée de le refaire dans un climat social et politique tellement trouble que les correcteurs ne verront plus par ?'trois fois'' pour faire les corrections. Et le miracle se produira, tout comme ceux déjà réalisés dans un pays où le niveau de compétences n'est pas nécessairement requis pour occuper de hautes fonctions, encore moins pour décrocher des diplômes fonctionnant comme des faire valoir pour l'accès à un rang social envié. Non, l'école, première marche dans la vie, est progressivement en train d'être escamotée, d'être gommée, pour qu'un jour, il y aura des sessions d'examen du bac sans être vraiment allé à l'école, ni même connaître un traître ?'terme'' scientifique.

L'école algérienne, avec toutes ses tares, a ceci donc de positif : elle donne naissance à des générations spontanées de ?'cadres, de compétences, d'enseignants, et de responsables'' sans avoir obligatoirement suivi un cursus scolaire. Et pourquoi faire, aller à l'école, quand, dans cette société des miracles, on peut aller faire ses courses aux diplômes à tout moment comme d'autres, sous d'autres cieux, vont au supermarché pour acheter ce dont ils ont besoin pour vivre. Ici, la vie avant, pendant et après l'école a un aspect particulier, cosmique, cosmogonique, mais sûrement pas universel. Elle est unique, obscure, irréelle dès lors qu'elle a cessé de suivre les chemins qui montent, ceux de l'excellence. Faut-il en pleurer ? Que faire ? Et puis, jusqu'à quand cette lamentable situation dans un pays qui a enfanté des icônes historiques, dont Ibn Badis n'est que la partie visible ?