La question ne mérite plus d'être posée, car le système
éducatif algérien est depuis un moment passé de vie à trépas. C'est l'avis de
tout le monde, même de ceux qui n'ont pas eu la chance d'aller ni à l'école, ni
à l'université. Le fait est qu'avec la généralisation de la ?'médiocratie'' dans
notre société sont apparus des phénomènes curieux, indésirables, et qui font
mal là où cela ne devrait pas faire mal : l'école algérienne est en plein
naufrage. Et quand l'école dans un pays n'est plus en bonne santé, c'est toute
la société qui est malade, et si la situation empire, c'est le recul tout droit
à la vitesse grand ?'V'' vers le sous-développement, ou si l'on veut, le
développement du sous-développement. Comment ne pas s'offusquer quand des
milliers de familles algériennes sont mises devant un très rare cas de fait
accompli : une session de rattrapage du bac pour les ?'absents'' et les
?'retardataires''. Le plus dramatique dans cette cocasse situation, est que, et
les syndicats l'ont bien démontré et revendiqué, ceux qui ont passé leur bac le
plus normalement du monde, en observant les consignes, eux, donc, n'auront pas
une seconde chance de se rattraper, s'ils échouent. Là, la ministre de
l'Education nationale est donc prise à son propre piège, elle qui affirmait
mordicus que le bac doit être plus juste et récompenser les candidats les plus
méritants, et rétablir ainsi une sorte de justice sociale à l'école. Elle a
oublié cependant la réalité tout autant sociale, culturelle que politique, de
son pays. C'est-à-dire que l'Algérie est le pays des miracles, et donc qu'un
candidat au bac qui s'est donné lui-même ?'0'' chance de le décrocher en
refusant de se présenter au centre d'examen, pourrait l'avoir en obtenant une
chance inespérée de le refaire dans un climat social et politique tellement
trouble que les correcteurs ne verront plus par ?'trois fois'' pour faire les
corrections. Et le miracle se produira, tout comme ceux déjà réalisés dans un
pays où le niveau de compétences n'est pas nécessairement requis pour occuper
de hautes fonctions, encore moins pour décrocher des diplômes fonctionnant
comme des faire valoir pour l'accès à un rang social
envié. Non, l'école, première marche dans la vie, est progressivement en train
d'être escamotée, d'être gommée, pour qu'un jour, il y aura des sessions d'examen
du bac sans être vraiment allé à l'école, ni même connaître un traître
?'terme'' scientifique.
L'école algérienne, avec toutes ses tares, a ceci donc de
positif : elle donne naissance à des générations spontanées de ?'cadres, de
compétences, d'enseignants, et de responsables'' sans avoir obligatoirement
suivi un cursus scolaire. Et pourquoi faire, aller à l'école, quand, dans cette
société des miracles, on peut aller faire ses courses aux diplômes à tout
moment comme d'autres, sous d'autres cieux, vont au supermarché pour acheter ce
dont ils ont besoin pour vivre. Ici, la vie avant, pendant et après l'école a
un aspect particulier, cosmique, cosmogonique, mais sûrement pas universel.
Elle est unique, obscure, irréelle dès lors qu'elle a cessé de suivre les
chemins qui montent, ceux de l'excellence. Faut-il en pleurer ? Que faire ? Et
puis, jusqu'à quand cette lamentable situation dans un pays qui a enfanté des
icônes historiques, dont Ibn Badis n'est que la
partie visible ?