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Pour quelques minutes de plus

par Mahdi Boukhalfa

Voilà, il y a un début à tout ! Après le Bac pour compenser la triche, on en vient à organiser un Bac pour les retardataires. L'année dernière, la ministre avait déjà fermé les yeux avec la session spéciale anti-triche, et cette année, on lui a fait fermer les yeux avec la session spéciale pour les retardataires. Parfois, il faut bien se frotter les yeux et se cogner la tête contre un Dictionnaire Larousse, mode 1940 pour ne pas sombrer dans la démence. Pourquoi ? Parce que le système scolaire algérien est devenu un grand « n'importe quoi ». L'année dernière, il y a eu une session de rattrapage du Bac pour plus de 500.000 candidats sur un peu plus de 800.000, et cette année, ils seront plus de 100.000 sur 761.000 candidats, à refaire leur Bac, tout simplement parce qu'ils sont arrivés en retard. Qui incriminer et clouer au pilori pour avoir dépouillé de sa grandeur cet examen que toutes les familles algériennes, ayant un lauréat parmi ses enfants, évoquent avec fierté ? Qui accuser de laxisme, de crime moral contre ces candidats qui n'auront jamais une seconde chance ? Personne, en vérité, car le système éducatif national est tellement sclérosé que des éventualités improbables pareilles peuvent se produire. Comme dans un roman de science-fiction où l'école devient une jungle peuplée de mutants. On peut en rire qu'un pays, comme le nôtre, en arrive à organiser des sessions de rattrapage à tort et à travers, pour le Bac, mais il faudrait ensuite pleurer les catastrophes pédagogiques générées par d'affreuses déviances universitaires. Non, sérieusement, la gestion chaotique actuelle du système des examens, pour ne pas généraliser à tout le système éducatif, a fait que la ministre soit, complètement, dépassée par la délinquance scolaire. Car, si elle a appliqué le sacro-saint système de battement de 30 minutes, avant la fermeture des portes des centres d'examen, il n'y aurait pas quelque chose comme 104.036 candidats qui vont repasser leur Bac, à partir du 13 juillet prochain, dont?93.954 candidats libres sur les 270.403 candidats libres inscrits, soit 35,50% du total des candidats. ! C'est beaucoup, ce qui fait dire, à certaines mauvaises langues, que c'est une session de rattrapage spéciale candidats libres. Donc là, c'est bien la ministre qui est à l'origine de cette cocasse situation, et que l'injonction du président d'une session pour les retardataires n'est que justice pour des milliers de cas de candidats ayant été refoulés pour quelques minutes de plus. Et, sur les 761.000 candidats, le nombre de retardataires ? exclus de fait ? était de 2%. Un taux proche des niveaux enregistrés lors des précédents examens du bac, sans que l'on recoure à une session spéciale. De ce point de vue, la décision du président est « salutaire », car elle rétablit, dans leur droit, des milliers d'élèves frustrés d'avoir été empêchés de passer leur Bac. Avec plus qu'un zeste de « populisme, il est cependant «logique que ces ?malheureux' soient rétablis dans leur droit à passer leur examen. Mais, cette injustice que Benghebrit veut combattre, en établissant de nouvelles règles du jeu, elle l'a, elle-même renforcée, en prêtant le flanc à tous les dépassements, dont celui de refouler des candidats de centres d'examen pour deux ou trois minutes de retard. L'intervention du président, fort appréciée par tous les « retardataires », a fait comprendre à Benghebrit qu'il y a toujours un rédempteur quelque part. Et que nul n'est au-dessus de?. ses contradictions. Maintenant, il faudrait que l'on mette fin, au plus vite, à ce cauchemar ! Et que l'on se réveille, les enfants !