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La vie dépréciée du zaouali

par Mahdi Boukhalfa

Le gouverneur de la Banque d'Algérie vient de reconnaître un fait, longtemps caché aux Algériens: la dépréciation du dinar, avec la chute des recettes pétrolières. Pourquoi ? Officiellement pour amortir le contrechoc de la baisse en valeur et en volume des recettes pétrolières. Et, surtout, pour ne pas provoquer une situation inflationniste dont la valeur surévaluée du dinar serait responsable. Et pan! sur le dinar, la monnaie nationale. Du coup, le marché des devises flambe, l'euro grimpe à des niveaux jamais atteints, à plus de 170 dinars en 2015, et le dollar suit la même courbe. Le marché parallèle reprend des couleurs, alors qu'en même temps, cette décision d'importance prise sans consulter les Algériens à travers leurs élus à l'APN, commençait à faire des ravages. De 100 dinars pour un euro en 2010, le marché parallèle des devises monte crescendo, alors que le marché officiel des changes stagne pour la simple raison que les Algériens n'ont pas encore acquis le droit, jusqu'à maintenant, de faire le change comme de vrais citoyens, se contentant de l'obole «misérabilisante et méprisante» de la Banque d'Algérie. En même temps, l'inflation reprend les chemins des hauteurs, les prix flambent, et les Algériens commencent à sentir la crise. Les prix de tous les produits, y compris les voitures, ou la tomate et les tarifs des transports grimpent. Pourquoi? Parce que la Banque d'Algérie, qui gère l'argent des Algériens, a décidé de réduire la valeur du dinar par rapport au dollar, principale monnaie d'échange sur le marché pétrolier, et donc pour en amortir les chocs internes. Mais, la Banque d'Algérie, en pensant à la résilience de l'économie nationale, en estimant qu'elle fait son boulot de protection du pays face aux chocs externes, en protégeant les réserves de change, et en accumulant ce trésor, a-t-elle vraiment pensé aux Algériens, comment ils allaient vivre cette décision, quelles seraient ses conséquences sur leur niveau de vie ? Non, bien sûr, tout autant qu'elle était en train d'appauvrir par sa décision impopulaire et cachotière de larges couches sociales. Et puis, il y a la décence et l'indécence dans toute décision importante, fut-elle stratégique, de vie ou de mort économique. Car si la monnaie nationale n'en finit pas de manger son pain noir du fait de politiques économiques dévastatrices, catastrophiques, ce n'est pas du fait de la baisse des cours de pétrole. La réponse est à rechercher dans cette fuite en avant, qui consiste à toujours rechercher les solutions les plus faciles, comme dévaluer le dinar, augmenter les taxes, les tarifs et les prix des services publics, et ne pas prendre en considération les effets de telles mesures sur la société, les Algériens, leur niveau de vie, leurs conditions de vie. A-t-on, en fait, consulté les Algériens sur leur avenir ? Non, bien sûr. Alors, la Banque d'Algérie, qui a décidé à la place du gouvernement que les Algériens sont encore «mineurs» et n'ont pas encore le droit à une allocation touristique digne, peut tout décider, jusqu'à donner de l'oxygène et de la vigueur au marché des changes parallèle, pour que les Algériens restent comme des moutons, pour avoir quelques «euros», ils doivent aller à l'abattoir. Certes, les temps sont durs, pour les «zaoualiyas», qui ne connaissent pas les voyages, mais, de grâce, il ne faut pas que leur niveau de vie soit assimilé à une monnaie, et «déprécié».