Les
chiffres de l'inflation restent désespérément hauts, et la cherté de la vie
exaspère les Algériens. Pas l'ONS, qui affiche pour le troisième mois
consécutif le même chiffre de cette inflation: 7%.
Sans être connaisseur des arcanes de la production de tableaux, graphes et
autres fromages, ni même les subtilités de confection d'une courbe
Laplace-Gauss, et autres indications géométriques, il paraît suspect que
l'Office nous serve le même chiffre trois fois de suite. Les indicateurs du
commerce des services, des fruits et légumes, et même de la «tchelba» (saupe) dans notre pays
sont depuis longtemps hors de contrôle. Ils sont, paraît-il, déterminés par les
mains obscures du marché parallèle, par les forces occultes des marchés de gros
qui n'ouvrent et ne ferment que la nuit, et des agriculteurs qui ne travaillent
leurs champs et ne vendent leur marchandise que dans les ténèbres. Autrement
dit, nous évoluons dans une parfaite synergie d'une économie obscure, qui
elle-même est opaque et très «darkness». Deux des
principaux ministères concernés par la question du fonctionnement de ce grand
marché des produits agricoles en particulier et alimentaires en général, le
vaste marché de la nourriture, quoi !, ont déclaré leur impuissance à venir à
bout de ces forces occultes, qui gèrent ce monde parallèle de la pomme de terre
et des abricots. Et ces forces occultes affichent les prix qui leur
conviennent, en fonction des arrivages et des tendances du marché, de leurs
bénéfices sur la pomme de terre comme sur la sardine. Et, au printemps
finissant, il se trouve que ces forces dominatrices du marché des fruits et
légumes éprouvent quelque pitié pour les pauvres smicards et retraités pour
effectuer une baisse des prix, prendre leurs bénéfices, et se retirer avant
l'arrivée du ramadhan. Et, en quelque sorte, dire que si les prix remontent
durant ce mois sacré, ce n'est pas de notre faute, mais ceux qui n'arrivent
toujours pas à calculer comme il se doit une courbe inflationniste, ou situer
la marge d'erreur en établissant des statistiques qui ne font pas peur. Car
maintenir un même taux durant trois longs mois, et toujours à la hausse, c'est
cacher quelque chose aux Algériens. Enfin ! Ces Algériens qui ne vont pas au
marché faire leurs courses, car ceux qui le font savent pertinemment depuis la
fin de la révolution agraire et le fameux slogan «la terre appartient à celui
qui la travaille», que les chiffres montrent tout, sauf l'essentiel. Quant à
ceux qui se font livrer leur pizza chez eux, ces autres Algériens, peu leur
importe que la salade augmente ou pas, mais restent soupçonneux et diablement
méfiants quand les chiffres montent anormalement, ou baissent plus qu'il n'en
faut. De préférence entre 4% et 7%, pas au-delà, sinon il faudra des
explications officielles, et là ce sera difficile de convoquer le gouverneur de
la Banque centrale pour traduire par signes ce miracle des chiffres redondants
de l'économie nationale, entre deux déplacements périodiques à Washington pour
deviser avec ses pairs banquiers sur la hausse de l'endettement, l'inflation,
ou la baisse de la valeur du dinar. Tout compte fait, les chiffres de l'ONS sur
l'évolution cyclique de la valeur des produits agricoles consommés par les
Algériens ne font pas peur, n'inquiètent pas là où cela devrait, sauf là où
cela ne devrait pas.
Il ne reste
qu'à espérer que pour le mois de mai, il y aura en juin prochain, en plein mois
de ramadhan, des chiffres plus frais, cléments, plus conformes à ce que
déboursent aussi bien la ménagère, le retraité et le vendeur de «cherbett». Pas des chiffres qui nourrissent l'insatisfaction
et la curiosité de tous ceux qui se méfient des courbes mal faites.