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Le compte à rebours !

par Kamal Guerroua

Quelques semaines seulement nous séparent des législatives du mois de mai ! Or, si du côté des officiels le compte à rebours a déjà commencé, les Algériens, eux, portent leur regard loin ailleurs, fort persuadés que ce rendez-vous ne changera pas grand-chose à leur quotidien ni ne fera sortir le pays de sa crise.

Pour l'écrasante majorité de ces derniers, les élections sont devenues une routine pour les rentiers de tout bord qui convoitent, avec leur festin de promesses, de mensonges et de magouilles, les privilèges que peut procurer un siège dans les assemblées électives, que ce soit aux communes, les wilayas, le parlement ou le sénat. Autrement dit, cela sert tout simplement de tremplin pour faire prospérer affaires et business au détriment des intérêts vitaux de la communauté nationale.

Le phénomène de la «ch'kara» a, il est vrai, effacé dans cette Algérie d'austérité de 2017 toutes les lueurs d'espoir qui devraient accompagner dans le cours normal des choses un événement politique d'une telle envergure.

L'argent sale a infesté par ses puanteurs fétides toutes les sphères sociales et détruit, hélas, le rapport des Algériens au politique ! Puis s'adjoint comme une métastase à ce triste diagnostic l'histoire pour le moins sordide de ces courses au galop pour le maroquin-sésame de «ces candidats de la vingt-cinquième heure», si l'on ose ici l'expression, parachutés directement d'en haut, des instances dirigeantes de quelques partis, pour «chapeauter» leurs listes électorales sans aucune consultation de la base militante. Des courses qui ont fini par des rixes d'une extrême violence et de la pagaille comme dans le cas de la mouhafadha du FLN à Tiaret par exemple.

Ne parlons pas des scandales de trafic d'influence dans les opérations de collecte des signatures, imputés à des cadres ou à des militants ayant les bras longs dans les rouages d'une administration dont la neutralité reste suspecte aux yeux de beaucoup de forces politiques. Laissons également de côté l'épineuse question du nombre exact d'inscrits sur les listes électorales que des cercles de l'opposition contestent et le sempiternel spectre de la fraude qui plane à l'horizon à chaque occasion.

Comment peut-on convaincre alors l'Algérien d'aller voter dans de pareilles circonstances ? Comment serait-il possible de lui inculquer dans l'esprit l'idée que le changement pourra advenir s'il participe «politiquement» par sa voix le 4 mai prochain ? Que celle-ci compte sérieusement ? Et que cette future assemblée nationale sera différente de celle qui l'a précédée ? Évitons de lui évoquer le niveau d'études d'une partie importante des candidats à cette députation de crainte de ne lui arracher une larme ou même un sanglot ! Toujours est-il, en effet, que la perte de confiance de nos masses dans leurs élites est si irréversible que ni le slogan pompeux «fais entendre ta voix», affiché ostensiblement sur des pancartes publicitaires aux quatre coins du pays, ni les avertissements à peine voilés de quelques personnalités politiques à l'encontre des citoyens qui comptent boycotter ne peuvent compenser ni réparer.

Enfin, disons que le suffrage universel est compromis chez nous par cette culture-parasite du boycott qui ne cesse de gagner du terrain, consacrant l'effondrement brutal de la pratique politique. Le malheur, c'est que nos têtes pensantes s'enfonceraient, sans doute, davantage dans la boue si elles pensaient encore qu'agir par pression d'en haut au lieu de commencer de réformer par le bas peut en être la solution. Cela fait rappeler d'ailleurs une des séquences du film «La haine», réalisé en 1995 par Mattieu Kassovitz, où l'un des protagonistes cite l'exemple d'un homme qui tombe d'un immeuble de cinquante étages, tout en se répétant sans cesse pendant sa chute pour se donner, paraît-il, de fausses assurances :«Jusqu'ici tout va bien, jusqu'ici tout va bien !», oubliant par là que le destin qui l'attend à la fin est au mieux une paralysie, au pire une mort ! A bon entendeur !