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Subsahatarien, «es-tu là?»

par Mahdi Boukhalfa

«Les migrants africains n'ont pas d'avenir, ici en Algérie». Cette sentence est celle du président de la CNCPPDH. Farouk Ksentini, puisqu'il s'agit de lui, a bien validé ses propos dans un journal arabophone sur «le danger» que représentent les Subsahariens pour la santé des Algériens. En fait, cet avocat du barreau de Blida confirme que la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) qu'il préside est soit une coquille vide, soit qu'elle a outrepassé ses prérogatives. Car comment accepter qu'un défenseur des droits de l'homme, de surcroît président d'une commission représentant l'Etat algérien, puisse se permettre d'accuser les Subsahariens installés en Algérie, réfugiés politiques ou fuyant les guerres, ou simples migrants vers l'eldorado européen, puisse tenir des propos blessants et humiliants contre cette communauté d'Africains ? Accuser ces «invités» de l'Algérie de propager le sida, les MST et toutes sortes de maladies n'est pas la meilleure manière de lutter contre ces maladies, ni de donner une image apaisée du phénomène de l'immigration de Subsahariens en Algérie. Mais plutôt d'une destruction violente et déshonorante de cette image d'une Algérie pays hôte de tous les égarés, de tous les réfugiés, de tous les «zaoualiyas» du continent noir et du monde, en quête dans notre pays d'une vie meilleure. D'un moment de répit entre deux guerres fratricides. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse de rage. C'est exactement ce que M. Ksentini vient de commettre, un acte malheureux qui enfonce encore plus son pays dans les «states» des pays où il ne fait pas bon vivre pour un étranger. Fût-il un réfugié africain qui a fui soit la misère dans son pays, soit une mort certaine avec ces seigneurs de la guerre qui sèment le chaos et la désolation dans certains pays de notre continent. Le plus affligeant dans cette histoire est que M. Ksentini, invité par un portail électronique algérien à confirmer ses propos, n'a pas hésité à dire : «J'ai dit la vérité, ces migrants ont été porteurs de beaucoup de maladies en Algérie». Avant de les inviter à partir en affirmant que «les migrants africains n'ont pas d'avenir ici en Algérie». Cette sentence vient comme pour rappeler les arrestations massives au cours de ces derniers jours de Subsahariens dans plusieurs quartiers d'Alger, et leur placement dans un centre de jeunes à Zéralda. De deux choses l'une, ou M. Ksentini prépare l'opinion publique à un rapatriement massif des Subsahariens, soit il ne parle qu'en son nom, et dans ce cas, il doit être remis dans «ses bottes». Les Algériens, majeurs et vaccinés, eux-mêmes bridés par les politiques d'immigration draconiennes de certains pays riches d'Europe, ne vont quand même pas emprunter une telle voie peu glorieuse. Notre pays est une terre d'accueil, il le restera, même pour ces Subsahariens sans le sou, mais qui ont réussi à s'intégrer parmi nous, à trouver du travail et participer à notre croissance. Quant aux réseaux de contrebande, ils existent partout. Et chaque Algérien a sa propre maladie, même celle la plus dangereuse d'entre toutes, l'altruisme. M. Ksentini, en tant que défenseur des droits de l'homme, doit des excuses. Pour que les Algériens, qui ne sont ni xénophobes, encore moins racistes, ne soient pas la risée de l'Afrique «qui bouge».