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Les frontières de l'impossible

par Yazid Alilat

Le tourisme en Algérie a-t-il une âme ? A-t-il une pensée, et donc vit-il ?

Non, bien sûr. Ailleurs si. Comme au Maroc, qui a fait l'année dernière 10 millions de touristes, mais moins que d'habitude d'Algériens. Comme en Tunisie également, où plus de 100.000 Algériens auraient séjourné pour leurs vacances d'été. Il est vrai que l'ouverture des frontières entre les deux pays facilite les choses, et fait que l'Algérien lambda peut aller et venir comme il veut dans ce pays, qui dispose, comme le Maroc, d'une solide infrastructure touristique, dont des hôtels classés dans pratiquement toutes les villes et les patelins reculés. Le touriste occidental est toujours en mal de dépaysement, et le tourisme de niche développé par nos voisins y gagne énormément. Et chez nous ? Au vu du menu non étoilé de nos hôtels, pas grand-chose. En fait, rien à proposer ni aux touristes du bled, ni aux touristes étrangers, ni aux touristes de tout bord. C'est une désespérante situation, qui oblige ainsi des Algériens à manifester aux frontières de pays voisins pour protester contre une taxe d'entrée et de sortie du territoire. Ils protestent car la réciprocité n'est pas appliquée par les autorités de leur pays, et se trouvent piégés par une politique touristique de leur pays qui est loin des standards internationaux. En fait, le tourisme en Algérie reste encore prisonnier de l'interventionnisme de l'Etat, qui veut tout contrôler, avec des offices publics qui n'ont rien à proposer, ni hôtels, ni produits, de packages, rien. Et c'est ainsi qu'une fois l'an, les Algériens partent en masse, comme une sorte de migration annuelle, en Tunisie à la venue de l'été. C'est un peu comme une sorte de migration de jouvence, une quête de quelque chose qu'ils n'ont pas chez eux. Et, quand ils ne sortent pas, les Algériens s'agglutinent dans les quelques villes côtières qui peuvent offrir gite et couvert, sinon vive les campings sauvages ! Un exemple : une ville côtière comme Ténès, dans cette wilaya de Chlef, n'a en tout et pour tout qu'un seul hôtel (hôtel des Arts, le bien nommé) et quelques dortoirs. En fait, il est tout à fait pompeux et vaniteux de parler de tourisme en Algérie quand les Algériens n'ont pas le minimum chez eux. Ce qui donne lieu à des situations navrantes, comme cette ville côtière très prisée des vacanciers de l'est du pays où les prix des produits alimentaires sont multipliés par dix en été, avec une bouteille d'eau minérale à 100 DA. Comme une sorte de vampirisme qui apparaît rien qu'en été, quand les «Berranya sont là». Et puis, il y a l'envers du décor : cette repoussante saleté qu'exhalent nos plages depuis quelques années. Plages-poubelles ou plages à ordures, c'est une situation intolérable qui fait dire que chez nous, parler de tourisme, de vacances, c'est remuer le couteau dans la plaie avec ces commentaires de vacanciers de retour de Tunisie : leurs plages sont propres et les prix des hôtels acceptables.